Holman inscrit dans un ulu, la marque d’un commerce affaibli.
Dans les années 90, l’art est devenu la première source de revenus pour la petite collectivité ténoise de Ulukhaktok. Depuis plusieurs années, il ne reste plus qu’un spacieux bâtiment rose posté au centre du hameau pour dévoiler cette industrie décolorée. Quelques sculptures, des lithographies, des couteaux ulu et des animaux en peluche s’étalent sur quelques tables. Le reste des lieux est embarrassé, laissant comprendre que plus grand-chose ne se fait dans cet atelier nordique.
« Avant il y avait beaucoup d’artistes qui travaillaient à la Coop, maintenant ils travaillent de chez eux. Malheureusement, la Coop n’a plus le financement nécessaire pour l’art, alors ce que l’on vend ici c’est le même artisanat qu’à la fin des années 90 », explique la gestionnaire de l’atelier de la Coop de Ulukhaktok.
Margaret Kanayok raconte aussi quelle importance la création peut avoir au sein de sa petite communauté. « Bien sûr pour les gens d’ici, l’art est une source de revenus. Ils ne peuvent pourtant pas en vivre, mais la création leur donne néanmoins une opportunité d’exprimer leurs sentiments par rapport à leur culture nordique. Même si nous bénéficiions de la nature pour nous alimenter nous ne vivons plus vraiment dans les terres. L’esprit Inuit est encore présent, mais plus le mode de vie. Le dessin, la sculpture, l’artisanat nous donnent un autre moyen d’exprimer notre culture alors que nous perdons peu à peu notre langage parce que nous n’utilisons pas fréquemment tous les mots de notre langue. »
L’art inuit représente essentiellement des animaux et des personnages, les artistes dépeignent souvent de vieilles traditions ou des scènes de la vie quotidienne. Parmi les quelques épreuves disponibles à la galerie d’Ulukhaktok, sont présentés des imprimés illustrant des Inuits à la chasse, des rituels d’adoption ou des animaux de la toundra.
Pour celle qui a toujours fait partie de la Coop d’art, il est triste de ne plus voir personne utiliser cet espace lumineux rempli de presses efficaces et de matériaux de qualité. « J’espère juste qu’un programme soit remis sur pied. Même pour les jeunes, ce pourrait être une belle expérience d’apprentissage. J’aimerais qu’il y ait des ateliers pour que les jeunes puissent concentrer leurs mains et leur esprit sur un projet d’art », propose Margaret Kanayok.
À Yellowknife, Churchill ou Inuvik, les galeries d’arts Northern Images achètent des pièces provenant de cette collectivité depuis des décennies. Colin Dempsey, qui dirige la galerie de la capitale ténoise, distingue plusieurs facteurs quant à la baisse de production artistique du hameau anciennement nommé Holman. « La technique du pochoir utilisée majoritairement par les artistes d’aujourd’hui ne nécessite pas autant d’installation que les gravures sur pierre qui ont fait le nom de certains artistes de Holman. La production constante d’animaux en peluche qui portent leur bébé à la méthode inuite, peut elle aussi être confectionnée de la maison », avance-t-il. Ainsi, les artisans et les artistes font directement affaires avec leurs acheteurs, ne devant plus se soumettre aux politiques de la Coop qui doit récupérer des dividendes pour payer ses frais fixes tels que le chauffage, l’électricité et les employés. Pour la galerie, les œuvres sont moins chères à l’achat et l’artiste récupère l’intégralité de la transaction. Pourtant comme le soutien M. Dempsey, le système de Coop à fait ses preuves. « Nous nous approvisionnons dans plusieurs Coops dans le Nord, comme Cape Dorset, Holman ou Kimmirut. Les œuvres provenant de Cape Dorset sont mieux cotées que celle de Holman et cela vient beaucoup du niveau de gestion de la Coop d’art en tant que tel. Le point fort de ces lithographies, c’est qu’elles sont numérotées le plus souvent entre 30 et 50 exemplaires. Chaque année, nous recevons des différentes Coops d’art, une collection que nous achetons dans sa totalité. Ce qui fait que dans le Nord, chaque galerie n’a généralement qu’une pièce à vendre », explique-t-il soulignant le fait que l’art inuit était un très bon investissement, car il ne cessait de prendre de la valeur.