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le Mercredi 16 avril 2014 17:55 Culture

François Thibault Une absence qui se fera sentir

François Thibault Une absence qui se fera sentir
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Au fil des presque 30 ans du journal, pas moins d’une douzaine d’articles ont traité de François et de ses œuvres.

Voici une petite présentation chronologique de la vie et des œuvres de François Thibault durant ses 32 ans dans le Nord.

François est né à Orléans en 1960. À 15 ans, il part sur le pouce et traverse le Canada, direction ouest et nord. Il arrivera au Yukon, où il travaille pour poser des toitures. Il se rendra ensuite en Alberta, où il occupe différents emplois. C’est en 1979 qu’il arrive finalement aux TNO.
Un accident de camion à Norman Wells en 1982 change la vie de François alors que les travaux manuels ne sont plus une chose possible. L’accident le laisse en piteux état et avec des problèmes aux bras et aux mains. Fini le travail physique. Il apprend les rudiments de la sculpture, ce qui lui permet d’exploiter son sens artistique poussé.
En 1985, il ouvre sa première boutique et il s’établit comme artisan spécialisé dans la sculpture de pièces miniatures en ivoire. Il aura sa boutique (Originals By T-Bo) jusqu’à quelques jours de son décès.
Vers la fin des années 1980, il effectue plusieurs sessions de formation en technique de sculpture. Il s’absente des TNO pendant plusieurs mois au début des années 1990.
En 1992, j’aborde François avec une idée de drapeau pour la francophonie ténoise. Tout ce qu’il me manquait, c’était le dessin d’un ours. Tout en discutant de chose et d’autres, François dessine un ours en quelques traits. Je regarde le bout de papier et c’est exactement ce qu’il fallait. Deux mois plus tard, l’ours dessiné à la va-vite par François devient un élément important du drapeau franco-ténois.
T-Bo, comme il est bien connu dans le milieu anglophone, ne fait pas que dans les œuvres miniatures. À plusieurs reprises, il participera à des concours de sculpture sur neige. Ainsi, en 1997, avec Dolphus Cadieux et Pierre Lepage, François participe au concours de sculpture de neige du Carnaval de Québec.
« Plusieurs étaient bien surpris d’apprendre que chez nous, on ne vit pas dans des igloos et qu’en plus, il y a du monde qui parle français! », dit François en entrevue avec L’Aquilon.
L’année suivante, en 1998, il participe aussi au Bal des neiges d’Ottawa. Il aura à réaliser des dizaines d’entrevues avec les journaux francophones du coin qui soulignent le retour du petit sculpteur originaire d’Orléans.
La fin des années 1990 marque aussi l’ouverture des premières mines de diamants. En
1999, l’artisan local francophone, François Thibault, a eu l’honneur d’acheter ces premiers diamants de la compagnie Sirius Diamonds Inc. Il s’agissait des tout premiers diamants vendus sur le marché canadien. Les deux diamants étaient d’un poids de 0,30 et 0,34 carat.

Depuis 1999, François Thibault se concentre sur la création de bijoux en métaux précieux. Lors de l’achèvement d’une sculpture sur la colline Parlementaire, il se blesse. Ses mains, meurtries par la vibration constante des outils électriques sculptant la pierre, doivent être ménagées. Il se met alors à sculpter dans la cire, utilisée pour créer le moule dans lequel est introduit l’or fondu.

Il confie à L’Aquilon en 2002 comment s’est fait une pièce qui a lancé sa réputation. La pièce, dorénavant propriété de BHP Billiton, est une commande passée à la vitesse d’une… comète! « Ç’a été vite et furieux, mentionne François Thibault. La représentante de BHP est arrivée dans mon atelier le jeudi et je devais soumettre mes plans le lundi suivant. Je me suis enfermé toute la fin de semaine dans mon studio et j’ai sculpté en argent une copie de la pièce. »

Dévoilé officiellement lors de la conférence sur l’entreprenariat et l’investissement Prospect North, en septembre 2001, le collier en or jaune et blanc de 18 carats, serti de 13 diamants canadiens de haute qualité, est presque passé inaperçu ici. Il a été acclamé dans toutes les villes où il était de passage. La pièce se retrouvera à la une du numéro spécial consacré aux diamants canadiens du magazine Gem & Gemology. Pour un joaillier, c’est un peu comme un musicien qui fait la couverture du Rolling Stone.

Durant cette même période, Thibault se verra refuser une participation au projet de sculpture orchestré par la Fédération franco-ténoise. C’est un artiste québécois qui est retenu. Il n’aura jamais oublié cet affront.

Le futur gros projet de François sera celui de la sculpture de métal, Unis dans la célébration, qui est aux abords du lac Frame près de l’hôtel de ville. Au moment de son décès, il essayait encore de se faire dédommager pour la réalisation de cette œuvre magistrale.

Que ce soit l’idée d’ériger un centre pour les arts en utilisant les citernes de la mine Giant ou pour sa sculpture à l’hôtel de ville, Thibault avait toujours des idées pour soutenir l’art et l’artisanat du Nord. Certaines de ses idées vont lui survivre, notamment l’idée lancée en 2012 où des résidents ou des compagnies du Nord pourraient acheter des plaques en métal situées le long du chemin menant à la sculpture.

Son héritage sera avec nous pour encore de nombreuses générations.
 

Ils ont dit:

Nous avons perdu un artiste qui apportait un rayonnement à la communauté francophone. On pense à sa sculpture derrière l’hôtel de ville. Il avait son caractère, mais son souvenir va rester.
Benoît Boutin, directeur du Secrétariat aux affaires francophones du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest.

Repose en paix, T-Bo. Tu étais un défenseur passionné des arts, qui a fait de Yellowknife une place encore plus belle.
Mark Heyck, maire de Yellowknife

Ses créations prenaient toujours beaucoup de temps à perfectionner, mais le résultat était fabuleux. Sa belle sculpture Unis dans la célébration sera son legs à la ville. Il voulait faire en sorte que les artistes des TNO soient reconnus. Il avait refusé d’envoyer ses œuvres au Northern House du Canada, lors des Jeux olympiques de Vancouver en 2010. Il considérait que la commission sur les ventes d’œuvres était trop élevée et qu’on profitait des artistes.
Annette Poitras, joaillière

C’était un artiste talentueux avec un œil pour le détail. Ce qu’il faisait, personne d’autre n’aurait pu le faire. Sa sculpture Unis dans la célébration est aujourd’hui une icône de Yellowknife. C’était également un individu très indigné par les injustices et grandement généreux avec les gens dans le besoin.
Marie Coderre, directrice du Northern Arts and Cultural Centre