Auteure de plus de 60 livres de littérature jeunesse, Pierrette Dubé est venue du Québec aux TNO pour rendre visite aux élèves des écoles à Yellowknife, Hay River, à Fort Smith et à Inuvik.
Ce n’est pas tous les jours qu’une auteure reconnue de la littérature jeunesse francophone vient à Yellowknife. La visite de Mme Dubé a été possible grâce à un partenariat entre Communication Jeunesse, Canadian Parents for French, le ministère de l’Éducation, Culture et Formation et les commissions scolaires dans le cadre de la tournéeLire à tout vent de Communication Jeunesse. Patrimoine canadien a aussi contribué à l’activité par l’achat de livres. Médias ténois a rencontré Mme Dubé à l’école Allain St-Cyr, où elle a participé à diverses présentations et discussions de ses œuvres avec des étudiants de différents âges.
Médias ténois : Comment se passent vos séances avec les enfants dans les écoles ?
Pierette Dubé : Avec les tout petits, l’important pour eux c’est de lire une histoire. Alors, la rencontrecommence par une lecture qui peut être courte ou plus longue en dépendant du livre, mais j’essaie toujours qu’on ait une activité comme celle que nous avons faite ce matin. Comme je fais plusieurs niveaux du primaire, la forme que prend la rencontre dépend beaucoup de l’âge des enfants. J’ai de petits romans d’horreur qui s’adressent aux 5e et 6e années et la lecture est moins importante, on parle plus peut-être de comment on fait pour écrire un livre ou d’autres réflexions qu’on peut avoir avec la 5e ou 6e année. Avec les petits, le plus important c’est de lire une histoire et de faire un petit jeu autour de l’histoire. Ça dépend de l’âge des enfants et du livre que j’utilise. J’écris depuis longtemps et j’ai écrit une soixantaine de livres. Je laisse généralement les professeurs décider du livre qu’ils préfèrent que j’aborde.
Mt : Lorsque vous parlez du processus de création, quels genres de questions les enfants vous posent-ils ?
P.D : Ô mon Dieu ! Une question qui revient presque toujours est : d’où viennent vos idées ? Et c’est une grande question (rire).
Mt : C’est philosophique.
P.D : En général je leur réponds : j’aimerais savoir parce que des fois je ne les ai pas (rire). J’aimerais savoir où est qu’on va les chercher. Et puis il y a toujours des questions sur le temps que ça prend d’écrire un livre. Il y a aussi des enfants qui s’intéressent à l’aspect financier et qui me demandent si je suis payé pour écrire. Comme je fais beaucoup d’albums illustrés, j’entends beaucoup de questions là-dessous.
Mt : Les albums illustrés commencent toujours par le texte, n’est-ce pas ?
P.D : Oui. Et c’est souvent l’éditeur que va choisir l’illustrateur ou l’illustratrice.
Mt : Donc, vous écrivez toujours avec la conscience que votre texte sera illustré et cela conditionne toute la structure
P.D : C’est ça. J’écris toujours en pensant à la double page. De cette façon, quand j’écris, je m’assure que ce que j’écris se prête à une illustration. Il faut donc toujours avoir cette idée à la tête. De temps en temps, je peux mettre des suggestions à l’illustrateur, mais, en général, les illustrateurs préfèrent, avec raison, préserver leur travail créatif et il ne faut pas trop intervenir. Il faut leur laisser de l’espace. Mais il faut être conscient que ce que l’on écrit se prête à l’image, sinon la page sera inintéressante.
Mt : Certains disent que les livres pour enfants doivent avoir une morale, appliquez-vous ce principe à vos textes ?
P.D : Je ne suis pas très portée sur la morale (rire). C’est sûr que parfois il y en a une, mais il ne faut pas qu’elle soit trop appuyée. Personnellement, ce ne sont pas des histoires que j’aime et je n’ai pas tendance à les créer. J’ai écrit une histoire sur une méchante petite poulette qui s’attaque à un loup et j’ai déjà résumé l’histoire aux enseignants en disant que la poulette était méchante et qu’elle attaquait les autres animaux. Et un professeur m’a déjà dit : « Oui, mais elle est punie à la fin ». Et j’ai dit : non, justement, elle n’est pas punie (rire).
(Photo : Cristiano Pereira)
Mt : Les enfants préfèrent les histoires drôles qui les font rire.
P.D : Oui, ils préfèrent généralement les histoires drôles. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas aborder des sujets plus sérieux. Il y a des albums qui parlent de la mort ou des situations pas drôles qui peuvent toucher les enfants, mais personnellement je suis moins doué pour écrire des histoires tristes.
Mt : En cette époque d’écrans, de téléphones intelligents et de tablettes, comment faire en sorte que les enfants continuent d’être motivés pour ouvrir un livre ?
P.D : J’avoue que ce n’est pas très évident. J’ai des petits-enfants et je vois les difficultés que mes enfants ont avec leurs enfants. Premièrement, et c’est une opinion de grand-mère, il faut quand même que les parents sachent limiter le temps consacré à des jeux vidéos. Ça ne veut pas dire que ça doit être interdit. Mais c’est sûr que si on les laisse dès qu’ils ont du temps libre passer ce temps sur un jeu vidéo la lecture prend le bord. En même temps, il faut que la lecture reste un plaisir, il faut éviter de leur donner l’impression que la lecture est comme une punition.
(Photo : Cristiano Pereira)
Mt : C’est le rôle des parents.
P.D : C’est le rôle des parents et des enseignants. Il faut faire découvrir les livres aux enfants. Les amener dans les bibliothèques et les librairies. Des fois, le prix des livres est un obstacle et je le comprends très bien – quand on a des enfants, on ne peut pas, chaque semaine, acheter des tonnes de livres pour 15 ou 20 dollars. Mais il existe des ressources telles que les bibliothèques. Parfois, il faut qu’ils essaient beaucoup de livres différents. Quand un enfant me dit qu’il n’aime pas lire, je dis toujours que c’est parce qu’il n’a pas encore trouvé le bon livre pour lui. Et le bon livre pour lui ne se trouve pas nécessairement chez lui ou ce n’est pas nécessairement le livre que le professeur veut qu’il lise. Il faut leur faire découvrir plein de genres littéraires et les laisser faire le choix qui leur fait plaisir. La recette est le plaisir, la seule façon d’y arriver.