La bande dessinée Degrees of Separation, de l’auteure ténoise Alison McCreesh, est en nomination aux prestigieux prix Eisner, décernés aux États-Unis.
« Je dirais que les Eisner sont l’équivalent des Oscars pour le cinéma, commente le scénariste et historien de la BD Michel Viau. C’est la plus haute distinction en BD aux États-Unis. Comme les Fauves d’Angoulême sont les César de la BD européenne. Chacun est très “local”. Une petite place est faite à la BD étrangère, mais les Eisner sont américanocentrés, comme les Fauves sont francocentrés. »
Décernés depuis 37 ans, les prix Eisner réunissent plus de 70 éditeurs anglophones à travers le monde. Les prix sont décernés dans 32 catégories, allant de meilleure anthologie à meilleure édition américaine de matériel international, en passant par les catégories projet d’archives, travail académique, encrage, etc.
C’est personnel, mais en parallèle, il y a du contenu historique et géopolitique, ça donne du contexte sur certains endroits, sur certains évènements.
Autobiographie graphique
Degrees of Separation: A Decade North of 60 fait partie des cinq œuvres en nomination dans la catégorie Meilleure autobiographie, aux côtés de Feeding Ghosts (Tessa Hulls), The Field (David Lapp), I’m So Glad We Had This Time Together (Maurice Vellekoop) et Something, Not Nothing (Sarah Leavitt).
« J’étais vraiment contente quand je l’ai su, il y a environ une semaine, dit Alison McCreesh, et je suis encore contente. Je n’avais pas tout ça sur mon radar. »
Degrees of Separation a aussi fait partie de la liste des meilleures bandes dessinées canadiennes de 2024 de CBC.
Les gagnants des Prix Eisner sont déterminés par le vote des professionnels du milieu (libraires, auteurs, encreurs, etc.). L’échéance pour participer est le 5 juin; les prix seront dévoilés lors d’un gala à San Diego le 25 juillet.
Une décennie nordique
Composé de récits autobiographiques et d’esquisses, Degrees of Separation raconte la première décennie dans le Nord de l’auteure, d’origine québécoise.
« Le prologue, c’est moi qui monte sur le pouce à Dawson, au Yukon », raconte McCreesh, rejointe alors qu’elle était en partance pour le Stockholm International Comics Festival. « C’est la première fois que j’allais au nord du 60° parallèle. J’avais 21 ans, je pense. C’est une décennie à voyager un peu partout au Nord, à travailler de plus en plus dans les arts, à avoir des enfants, à suivre différentes opportunités. Les choix de vie de qu’on fait dans la vingtaine… C’est personnel, mais en parallèle, il y a du contenu historique et géopolitique, ça donne du contexte sur certains endroits, sur certains évènements. »
L’œuvre témoigne aussi des changements climatiques dans le Nord.
« Ça change plus vite ici qu’ailleurs, rappelle McCreesh. Quand j’ai commencé à écrire le livre, ce n’était pas vraiment ma priorité. Mais à mesure que le temps à travailler sur l’œuvre passait, c’est devenu de plus en plus important pour moi d’en parler. […]Le livre était déjà beaucoup construit à ce moment-là, j’ai intégré ça comme j’ai pu. Puis, il y a toute une section de notes à la fin du livre qui y fait […] référence. »
Un plan jeunesse
Degrees of Separation est le troisième album de McCreesh, après Ramshackle et Norths, tous parus chez Conundrum, un éditeur néoécossais.
Après cette œuvre de près de 400 pages, l’auteure a eu besoin de se reposer le phylactère, tout en se consacrant à des tâches plus lucratives et familiales.
« Je voulais me laisser le temps de reprendre mon souffle avant de me relancer, explique-t-elle. L’envie n’était pas tout à fait là. Mais ça commence à renaitre. »
Alison dit que pour le moment, elle a le sentiment d’avoir fait le tour des récits autobiographiques; elle explore l’idée de créer une bande dessinée jeunesse.
« Je vais être inspiré de façon très indirecte par le Nord, précise Alison, le Woodyard, Jolliffe Island, cette espèce de décor off grid que j’ai toujours aimé, qui me parle beaucoup dans le visuel. Mais en tant que tels, les personnages ne seront pas bâtis sur moi et mes proches. »
Seul son Ramshackle a été traduit en français – chez Rue de l’Échiquier – et là comme chez Conundrum, le tirage est épuisé. Alison McCreesh, qui est elle-même traductrice, se dit ouverte à une parution en français. Elle souligne que traduire Degrees of Separation poserait un grand défi étant donné la grande densité du texte, les différentes textures de calligraphie, et le fait que les mots soient généralement plus longs en français qu’en anglais.
« Mais si quelqu’un a envie d’explorer ça, je suis ouverte à en parler », dit Alison McCreesh.