La pluie qui fouette le toit fait un tel vacarme, que je ne m’entends pas
taper. Qu’est-ce que ça peut faire, me direz-vous, et vous avez bien
raison! On s’en fout.
Le voyage ne s’est pas passé comme dans du beurre. L’avion me fait (sic) au
plus haut point. Tu pars de Yellowknife pour te rendre à Vancouver. Petit
vol de rien du tout : 1 h 30 pour Edmonton. Une autre petite heure et 30
pour Vancouver. Jusque-là, tout va bien. Quelques petites heures à tuer
(quatre heures, en fait) et le grand périple va commencer. Le grand
périple! Parlons-en du grand périple! Le coeur commence à te serrer dans la
poitrine. C’est que voyez-vous, j’ai un grand malheur dans la vie : je suis
fumeuse. Ce n’est pas peu dire, mes amis, car le grand périple va m’obliger
à ne plus fumer pendant 14 heures 30. Pour ceux qui ne fument pas, il n’y a
rien là, mais pour ceux qui fument, je sais qu’ils ressentent ma détresse,
car il s’agit bien de détresse. Dans mon petit sac, j’ai tout ce qu’il me
faut en cas de crise : des nicorettes pour mâcher, des patches pour coller,
de la gomme pour déboucher les oreilles, des pastilles pour ventiler, des
kleenex pour se moucher, des aspirines pour décompresser, et j’en passe.
Donc, munie de mon attirail, je monte dans un avion bondé à craquer. Bondé
à faire peur! Pas un seul siège de libre dans ce foutu avion, pour un vol
de 14 heures et demie. Il y a de quoi faire craquer la voyageuse la plus
expérimentée du monde que je suis (J’exagère à bon escient). Donc, coincée
sur mon banc, je me prépare à réussir seule une opération difficile (c’est
une blague : c’est une phrase tirée du Petit prince de Saint-Ex). Au début,
tout baigne dans l’huile. Pas longtemps après le décollage, on nous passe
des peanuts (eh oui! On sert encore des peanuts sur les avions de Cathay
Pacific : à croire que les Asiatiques ne sont pas allergiques aux
arachides, eux!). Vivent les peanuts! Bien mieux que les pretzels non salés
d’Air Canada. Un petit verre de Ginger Ale, et on attend le repas, car
après tout, ça fait déjà quelques heures qu’on a pris le dernier repas. Le
dernier repas! Au secours! Et si ça allait être le dernier repas! Il y a
tellement d’avions qui s’écrasent depuis quelques temps! Il faut se changer
les idées, et vite. Pas question de commencer à capoter sur la question
pour le moment. Vite, on pense à autre chose. On pitonne sur sa machine.
Autre innovation de Cathay Pacific : chaque passager a son propre écran de
vidéo pour lui tout seul. Là-dessus, on peut jouer à quelques jeux un peu
nuls, genre le pendu. On peut également choisir son film, ou nouvelles ou
autres. On peut dire que tout ça a du bon. Le temps de trouver le truc de
bien faire fonctionner la machine, et on peut réussir à avoir du funŠsi fun
il y a à avoir avec les genoux par-dessus la tête. Mais bon! Au bout de
quelques heures, une odeur infecte envahit l’appareil au complet. Non, non,
il ne s’agit pas d’un moteur ou autre chose du genre, il s’agit tout
simplement de l’odeur humaine de quelques centaines de personnes entassées
qui commence à se manifester. Et tout à coup tu te prends à rêver de
l’odeur de la cigarette. La cigarette ne sent pas si mauvais que ça, je
vous le jure. Prenez-en ma parole de fumeuse. L’odeur de cigarette aurait
tué l’odeur infecte. Mais bon, encore une fois. On n’a pas le choixŠon n’a
pas le choix. On pense encore une autre fois à autre chose. Autre chose,
comme, on est ben fatigué, mais on ne veut pas dormir, car sinon, c’est
foutu pour plus tard, à Hong Kong. En effet, une chambre nous attend à Hong
Kong, car le prochain avion n’est que le lendemain. Et comme on a payé
cette chambre la peau des fesses, on veut bien en profiter. L’une des
options offertes par le petit écran devant vous est de regarder les données
du vol : altitude (35 000 pieds); vitesse (400 milles à l’heure); vent de
tête (200 milles à l’heure)! Quoi, 200 milles à l’heure! Vous avez bien
lu. 300 kilomètres et quelques à l’heure. Mon Dieu! En arrivant, le
capitaine nous a même passé une remarque là-dessus! Bref, après ces longues
et pénibles heures, nous voici rendus à destination, enfin presque. Il me
reste encore quatre heures et demie à faire demain, après quelques heures
dans cette chambre, qui, rappelons-le, m’a coûté la peau de vous savez
quoi. Après avoir été obligée de me battre avec la carte qui donne
l’électricité (je vous passe les détails, mais là je commençais à avoir mon
voyage, si je peux m’exprimer ainsi), je suis tombée dans un sommeil agité,
car j’avais cette crainte de ne pas me réveiller le lendemain, même avec un
réveille-matin et un appel prévu pour six heures trente. Mais tout s’est
bien passé : j’ai dormi quand même, je me suis réveillée à l’heure et, je
dois vous laisser : mon prochain vol m’attends. Il faut que je coure encore
une fois. Je vous raconte la suiteŠ la semaine prochaineŠ si tout va bien.
Ciao et bons baisers de Bali!
Petites nouvelles d’ailleurs

Petites nouvelles d’ailleurs
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