le Mardi 1 juillet 2025
le Vendredi 9 février 2001 0:00 Divers

Au bout du monde!

Au bout du monde!
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Combien de fois avons-nous entendu cette vaine promesse? « J’irai au bout du monde pour toi » . Eh bien, j’y suis justement allée la semaine passée. Pour vrai. Le bout du monde s’appelle Tuktoyaktuk. À environ deux heures de route d’Inuvik (137 km) sur la route de glace (le fameux Ice Road), Tuktoyaktuk est situé sur le bord de la mer de Beaufort. La route est cahoteuse et il ne faut pas s’arrêter à penser qu’on roule en fait sur une rivière- couverte par 4 pieds de glace, évidemment. Quand même, c’est toute une expérience.

Le soleil se pointait à l’horizon quand nous avons quitté Inuvik, à environ 10h30 du matin. On pouvait voir ses reflets rosés sur la neige à l’est. Ensuite, les désagréments d’une route tracée dans la neige se sont fait sentir: le vent s’est levé et on ne voyait plus à deux pieds devant soi. Quelques autres camions et deux charrues à neige ont croisé notre chemin. Ce nombre réduit de véhicules croisés en deux heures n’a rien de rassurant. Imaginez déraper et échouer dans un banc de neige; les secours se feraient attendre.

Enfin, les pingos annonçant le village de Tuktoyaktuk s’offrent à nos yeux. Ces monticules pittoresques sont de célèbres indicateurs du territoire Arctique. Ils sont le produit de lacs desséchés. Quand une cavité est remplie d’eau, celle-ci agit comme un isolant et empêche le sol de geler tout-à-fait. Quand le lac vient à se vider, le sol est alors libre de geler. Naturellement, la congélation lui fait prendre de l’expansion. Comme le pergélisol est déjà gelé autour de l’ancien lac, la nouvelle terre gelée ne peut qu’aller vers le haut, ce qui forme un petit monticule appelé pingo.

Le village est juste quelques kilomètres plus loin. Une petite agglomération de près de 1000 habitants, Tuktoyaktuk signifie « qui ressemble à un caribou » . Cependant, sa location est plus impressionnante que ses attractions. En effet, les installations touristiques sont minimes : un motel-restaurant, un magasin Northern et un dépanneur. Il vaut mieux être bien équipé quand on voyage, surtout que les installations sanitaires publiques sont pratiquement inexistantes (si le motel est fermé). De plus, le train de vie tranquille ne se prête pas beaucoup à la consommation. L’hiver, le dimanche, le magasin Northern n’ouvre « qu’à 5h du soir, des fois plus tard » , nous affirme un passant. Heureusement, nous avions apporté des sandwiches…

Mais ce ne sont que des considérations matérielles. Les pingos, les gens (majoritai-rement autochtones), la paix qui règne sur les champs de neige blanche, les enfants qui jouent dans la neige : le véritable intérêt de Tuktoyaktuk réside dans son environnement et sa population. Après tout, à aucun endroit ailleurs se sent-on aussi perdu, loin et petit que sur le toit du monde. L’océan Arctique gelé et immaculé s’étend en silence jusqu’à l’horizon. Quelle impression d’infinité, de grandeur, de… bout du monde!