le Samedi 5 juillet 2025
le Samedi 5 mai 2001 0:00 Divers

Voulez-vous rire un peu?

Voulez-vous rire un peu?
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Je ne sais pas pourquoi, mais j’aime bien ces situations où on a l’air tellement fou, que c’en est trop. J’aime ces situations une fois le fait passé, il va sans dire, car sur le coup, ce n’est pas évident à accepter. Il n’y a pas très longtemps, je suis allée à Ottawa pour suivre des cours. Je suis arrivée un samedi soir, crevée, après avoir passé la journée à voyager. Donc, le soir, vers 10 heures, je me suis endormie profondément, roupillant du sommeil du juste, ou devrais-je dire du sommeil de la juste. Enfin bref, je roupillais tout doucement lorsqu’un son me tire de mon sommeil. Une voix me fait comprendre de me tenir prête à quitter ma chambre, car une alarme d’incendie s’est déclenchée. On nous dit, dans les deux langues officielles, ça va de soi, de demeurer calme et d’attendre d’autres directives. Le son est fort, pour ne pas dire strident. Il est environ 3 heures du matin. Et la litanie se poursuit, sans relâche, obsédante, énervante. Je suis maintenant bien éveillée, soyez sans crainte. Je me dis : « Faudrait bien que je sache où est la sortie de secours, si jamais il faut sortir pour vrai. » J’attends encore quelques minutes, et je vais regarder dans le corridor. Tout est calme. Je ne vois personne. Ma seule accompagnatrice est la voix stridente qui sort des haut-parleurs : « Préparez-vous à évacuer votre chambre. » Dans le corridor, je ne vois pas la sortie de secours. Je rentre dans ma chambre, mais comme la voix stridente commence à m’énerver royalement, je retourne dans le corridor pour aller repérer une fois pour toutes la sortie de secours. Je vois des signes exit et je m’avance avec prudence etŠvous l’avez devinéŠla porte de ma chambre se referme sur moi. Me voici prisonnière d’un corridor d’hôtel, à 3 heures du mat, sans clé, en jaquette courte, les cheveux hirsutes, pieds nus. Au secours! Que vais-je faire. J’ai beau m’acharner à tenter d’ouvrir la porte de ma chambre, elle demeure obstinément verrouillée, et pour cause! Il va falloir que je prenne les grands moyens, soit aller chercher une clé à la réception. La voix poursuit sa litanie obsédante. Alarme d’incendie, donc, pas d’ascenseur, ça va de soi. Tout est bloqué. Je me dirige donc vers la sortie de secours que j’ai maintenant bien repéré, que je le veuille ou pas. Fort heureusement, ma chambre est au troisième étage. Optimiste de nature, je me dis donc que j’aurais pu être au douzième étage, voire même le treizième. Donc, trois étages à descendre pieds nus un escalier en béton. La descente n’est pas trop longue, bien qu’elle représente tout de même une descente aux enfers, une descente rapide, mais quand même!

Me voici donc rendue dans la réception de l’hôtel. On ne sait jamais où on va sortir, quand on prend les escaliers de secours dans un endroit inconnu. Il est tard dans la nuit et la réception est plutôt désertique, sauf deux amoureux tellement occupés à s’embrasser qu’ils ne remarquent pas ma présence. Je me glisse en silence derrière eux et je me précipite à la réception. Une seule personne à la réception tente de répondre au téléphone qui ne dérougit pas, car n’oubliez pas que l’alarme continue toujours de nous casser les oreilles avec son annonce. Donc, le garçon me regarde, étonné. Je lui fais signe de me faire une clé (ce sont maintenant des cartes magnétiques). Il lâche le téléphone pendant quelques secondes et je lui explique du mieux que je peux ma bêtise. Il m’explique qu’il s’agit du système d’alarme de l’édifice à côté qui s’est déclenché et qu’il n’y a pas de danger. Puis, il me fait une autre carte et je me prépare à regagner ma chambre à la hâte. Mais pas question de prendre l’ascenseur. Il ne fonctionne toujours pas. Le garçon m’emmène dans les oubliettes de l’hôtel et me fait monter dans un minuscule ascenseur de secours, utilisé par les pompiers en cas d’incendie. Je crois qu’il a bien compris qu’il faut que je remonte au plus vite, sinon, je vais craquer. Après m’avoir rassurée sur la sécurité de ce petit ascenseur secret, il presse sur le bouton du troisième étage et me voilà partie pour un monde meilleur, serrant la carte de la porte dans ma main. Je sors prestement et vite, je cours à ma chambre, refermant la porte derrière moi, effarée, mais amusée en même temps. Le tout n’aura duré que quelques minutes, mais ce furent là des minutes bien remplies. Pas longtemps après mon retour à la chambre, l’alarme prend fin et on annonce que ce n’est rien tout ça et de retourner dormir. Je n’ai plus envie de dormir. La nuit a été trop agitée. Ce n’est pas avant six heures du matin que réussis à me rendormir sur les images d’un film ennuyant que je n’aurais jamais regardé en d’autres circonstances. Mais occasion oblige. C’est bien drôle à raconter, tout ça, mais je vous jure, je ne vous souhaite pas la même chose. Ou plutôt si, je vous le souhaite. Ça vous fera une bonne histoire à raconter. Et vous ne l’oublierez pas de sitôt.