On le sait. On va tous mourir, qu’on le veuille ou pas. Qu’on soit riche ou pauvre, on y passe tous. Comme disait je ne sais trop qui, il n’y a qu’une seule justice ici-bas, la mort.
René est décédé jeune. On est toujours trop jeune pour mourir, mais 46 ans, c’est vraiment jeune. René a souffert dans ses derniers moments. La mort l’a délivré de ses souffrances. On lui souhaite de reposer en paix.
Mais je n’ai surtout pas envie de vous faire pleurer. J’ai plutôt envie de partager avec vous une couple de souvenirs qu’il me reste de René. Des souvenirs qui vous feront peut-être sourire. C’est bien comme ça. Je suis certaine que c’est ce qu’il voudrait, vous voir sourire aux histoires que j’ai à raconter sur lui.
J’ai rencontré René Desrosiers alors qu’il venait à peine d’arriver aux Territoires du Nord-Ouest. On était campé au lac Reid, et quelques francophones étaient à construire les bâtiments du camping. René était de la gang. On l’a connu ce jour-là. Il nous avait emmenés dans leur abri, où il avait offert des boissons gazeuses à tout le monde, au grand plaisir des petits. C’est ce bon souvenir que j’ai, quand je l’ai rencontré.
Quelques années plus tard, je me souviens d’une soirée de camping autour du feu. Ça jasait de loterie. Tout le monde y allait de ses histoires sur ce qu’il ferait s’il gagnait. Et ça y allait de bon train. Y’en a un ferait ci, l’autre ça. Et je ne sais pas pourquoi, mais le seul dont je me souvienne de ce qu’il ferait, c’est René. Il avait dit simplement : peut-être que si je gagnais à la loterie, je me trouverais une belle petite femme avec qui je pourrais être bien. Il n’était pas encore avec Kim, à ce moment-là, mais je m’étais dit que je lui souhaitais bien de gagner. Et en fait, il a gagné, pas à la loterie, mais au jeu de la vie, quand il a rencontré Kim, la femme de sa vie. Je m’étais alors dit : Tiens, tu vois René! Pas besoin de gagner à la loterie pour rencontrer la femme de ta vie. Tu l’as rencontrée et ce n’est pas pour ton argent qu’elle t’aime. Je me souviens de cette histoire comme si c’était hier. Et elle est vraie, quasiment trop vraie.
Un autre souvenir qui me revient quand je pense à René, est un voyage que j’ai fait avec lui, alors qu’il revenait de ses cours de conducteur de camion, en Alberta. Je l’ai rencontré à l’aéroport et il était super nerveux. Il m’a alors expliqué qu’il détestait prendre l’avion, qu’il avait peur, et que ça l’énervait au possible. Comme l’avion n’était pas plein et qu’il y avait de la place à côté de lui, je suis allée m’asseoir avec lui et nous nous sommes mis à jaser. Il m’a raconté sa vie, son enfance, sa vie avant Yellowknife. On a parlé, parlé. Il a complètement oublié sa peur. Il n’en revenait pas quand nous sommes arrivés à Yellowknife à quel point le voyage avait passé vite. Ses souvenirs l’avaient complètement submergé, et il avait oublié ses peurs. Ça aussi, c’est un bon souvenir de René que je vais garder bien précieusement.
Je transmets à Kim, son épouse, et à ses amis chers, mes condoléances les plus sincères. La douleur de l’avoir perdu est compensée par la fin de ses souffrances. Je pense à vous.