le Samedi 19 avril 2025
le Vendredi 15 Décembre 2023 0:00 | mis à jour le 20 mars 2025 15:32 Divers

Ullaakkut !

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Cet article a été initialement publié sur aquilon.nt.ca entre le 9 janvier 1998 et le 8 décembre 2023.

Je suis de retour au pays des glaciers. Je suis arrivé à Mittimatalik (Pond Inlet) le 7 mars dernier. Il fait froid. -30°C. Le ciel est bleu pastel. Les derniers rayons du soleil crépusculaire se jettent comme un voile sur les montagnes de Sirmilik. L’air est frais et bon.

Je suis revenu revoir mes vieux amis, ainsi que poursuivre le travail entamé en octobre dernier sur la fabuleuse histoire de KAPITAIKALLAK (capitaine Bernier), QUVVIUN-GINNAQ (W.Caron) et les autres. À partir de nouvelles photographies trouvées aux Archives Nationales du Canada, aux Archives des Territoires du Nord-Ouest, et à partir d’une collection privée appartenant à M. Denis Cloutier, nous pouvons travailler avec les aînés de Mittimatalik afin d’identifier quelques chapitres de ce long récit d’hardis navigateurs et de « coureurs des glaces et de la toundra ».

Le travail met en perspective l’inestimable contribution, encore trop peu connue, d’homme et de femmes inuits, sans qui les expéditions de Bernier n’auraient probablement pas connu autant de succès. La légende veut que Bernier ne s’est jamais gelé un doigt dans l’Arctique… Le savoir-faire des femmes inuites y serait sûrement pour quelque chose, puisque ce sont elles qui ont finalement habillé de la tête aux pieds le capitaine et les autres membres d’équipage avec des qulittaq, silapaaq, pualuuk, kamiik en peau de caribou ou de phoque. À l’inverse de Franklin, Bernier savait que ce peuple du froid possédait assurément la technologie et les meilleures techniques de survie dans un environnement apparaissant hostile au regard étranger.

Le vieux loup de mer se fiait également au savoir-faire des guides inuits avec qui il envoyait de ses propres hommes explorer l’intérieur des terres et les côtes inaccessibles par bateau. Des cartes dessinées en 1906 et en 1910 par Amarualik, old Nasuk, Isaigaittuq, Kunuk, ou encore par Umik ont probablement été le point de départ de quelques-unes de ces expéditions.

La faim, le froid, ou encore les griffes du roi des glaces surveillaient de près nos jeunes explorateurs. Et malgré tout, les Jules Morin, Arthur English, Napoléon Chassé, Émile Lavoie, Alfred Tremblay, et Wilfrid Caron ont pu revenir sains et saufs, à bon port, après plusieurs mois d’absence, voyageant en traîneau à chien à travers la toundra et la glace de mer. Plus d’un a aussi reconnu l’aide inestimable reçue de ses fidèles compagnons du Nord.

On commence ainsi à découvrir des hommes comme Takijualuk, Amarualik, Uirngut, Umik, Qulittalik, Qallutsiaq, Makpa Aarani, Ivalaq, Piunngittuq, Qattuuq, Isaigaittuq… Et des femmes telles que Pakkak, Panikpak, Qulittalik, Ulaajuk, Tatiggat, Tuttalik…

Les photographies s’humanisent peu à peu. Les descriptions génériques telles que « femme esquimaude », « hommes esquimaux » ou « enfants esquimaux » se transforment en récit de vie d’hommes et de femmes bien réel, tels que Qattuuq, sa femme Ulaajuk et leur enfant, Ukpijaarjuk, Takijualuk et sa femme, Qulittalik, ou encore Uirngut et sa femme, Panikpak, etc.

Les aînés se souviennent définitivement de KAPITAI-KALLAK. Il est une légende ce Mittimatalik, me dit-on. Mentionner le nom de Bernier, c’est provoquer, en effet, un flot d’anecdotes et de récits colorés. C’est d’ailleurs par les Inuits que j’ai été placé sur les traces du capitaine J.E. Bernier, malgré le fait que je suis moi-même natif du Comté de L’Islet et que j’aurais dû connaître tous les détails de cette fabuleuse histoire avant d’arriver au Nunavut en 1994…

L’histoire orale parle également de NUKALIAQ (É.Lavoie) et de TAAMALI (A.Tremblay), ou encore de QUVVIUNGINNAQ (W.Caron). Ces gens du passé, appartenant à un autre monde, ont toutefois tenté de s’adapter au mode de vie inuit, de parler l’inuktitut, de manger la nourriture du pays, de participer aux jeux traditionnels et à la danse au tambour. Cet effort a probablement fait toute la différence puisqu’on considérait ces hommes un peu comme des frères…

Peut-être ont-ils eux aussi cru que si l’enfer est chaud, le paradis doit sûrement être froid !!!

Tavvauvusi !