Le 10 février dernier, à 19 h, toutes les voitures-taxis en service s’immobilisaient devant l’hôtel de ville. Pendant plus d’une heure le service fut complètement interrompu. Chauffeurs et propriétaires tenaient à faire entendre leur désaccord aux élus municipaux sur le trop grand nombre de permis émis dernièrement par la ville.
Au nom des représentants de toute l’industrie du taxi d’Iqaluit, M. Keith Mantis, co-propriétaire de la compagnie Nanook, a proposé au Conseil de créer une commission spéciale de la ville d’Iqaluit pour d’abord étudier la situation du taxi à Iqaluit et ensuite soumettre des propositions pour y mettre de l’ordre.
Il semble que ce qui ait déclenché cette manifestation, c’est la décision récente du comité de développement de la ville d’accorder un nouveau permis de taxi à M. Philippe Leylamm qui en avait fait la demande. Si la Ville acquiesse à cette nouvelle demande, le nombre des compagnies possédant un permis de taxi augmenterait à 7. Dans le moment, 6 compagnies gèrent une flotte de 37 voitures. Il s’agit des compagnies Païpa, Nanook, Nunavut, Nunavut 1999, V.I.P., Kilabuk. Les trois dernières compagnies ayant été créées depuis moins d’un an.
La question du taxi à Iqaluit comporte plusieurs facettes. Dans les beaux jours où Païpa et Nanook se partageaient tout le marché, le service était interrompu à 2 h. du matin la semaine et à 3 h. la fin de semaine. Aussi, la clientèle se plaignait de l’état déplorable des véhicules utilisés tant du côté carrosserie que mécanique.
L’arrivée de Raymond Poudrette avec Nunavut Taxi aura tiré la sonnette d’alarme pour les deux autres compagnies qui ont immédiatement instauré un service de 24 heures. Est-ce que le Conseil de Ville a déduit de cette expérience qu’il valait mieux susciter plus de compétition dans l’industrie du taxi?
Douglas Lem, nouvellement élu au Conseil municipal, a qualifié de déplorable cette démonstration de force des chauffeurs et propriétaires, expliquant qu’aucune autre démarche officielle n’avait été entreprise précédemment mais surtout que le moment était inaproprié étant donné la basse température accentuée de vent qui régnait à ce moment-là. Le Conseil a décidé de renvoyer tout simplement l’étude de cette question à son Comité de développement de la sécurité publique.
« J’aimerais bien que le règlement municipal actuel sur l’industrie du taxi soit appliqué et savoir clairement qui va être chargé de le faire respecter, d’expliquer Doug Lem. Nous n’avons plus que Jim Grittner comme seul officier de police municipal. Mais les gens du taxi doivent suivre les procédures, je ne vois pas qui leur donne le droit de tenir la population en otage pour se faire entendre. C’est un service public! »
Pour le porte-parole de la compagnie Païpa, la ville a souvent été approchée dans le passé : « On leur a souvent demandé d’appliquer leur règlement municipal, a-t-il expliqué. Le règlement prévoit que pour avoir un permis de taxi, ça prend un service de répartiteur (dispatch) pour recevoir les appels. Païpa et Nanook, nous offrons ce service là, 24 heures par jour. Mais la ville a accepté une exception à son règlement pour Nunavut Taxi en l’autorisant à recevoir les appels avec une unité téléphonique mobile dans la voiture, dans les cas de compagnies qui ont moins de 2 voitures sur la route, expliquaient-ils dans la motion qu’ils ont voté. Depuis, ils donnent des permis à n’importe qui! »
Le même porte-parole de Païpa reconnaît quand même que la saison de taxi est jusqu’ici très bonne pour tout le monde. « On est rendu à une population de 4738 personnes à Iqaluit. Ça construit partout…dans les 2400, sur la route d’Apex… On prévoit un accroissement de 900 nouveaux résidents à Iqaluit d’ici l’an prochain. Mais ça ne veut pas dire qu’il faut donner des permis à tout le monde et se retrouver avec 50 voitures sur la route en même temps! »
Pour cet actionnaire de Païpa, qui a préféré garder l’anonymat, ça prend un ratio d’un taxi par 140 résidents pour que l’opération soit rentable. Et si la ville se met à distribuer des permis au premier venu, elle devra absolument mettre sur pieds une régie du taxi, pour limiter le nombre de voitures et faire respecter le règlement municipal. La compagnie se dit prête à céder une part de marché aux nouveaux arrivants et de faire face à la compétition à la condition de connaître les règles du jeu. « On aime mieux savoir que nos opérations vont être réduites de 25% pour les prochains 15 ans que de ne pas savoir du tout à quoi s’en tenir! », a-t-il précisé.
« On nous dit souvent que nos chauffeurs conduisent trop vite, poursuit le représentant de Païpa, mais c’est à la ville de faire respecter ses limites de vitesse et à la GRC. S’ils distribuaient des contraventions comme il devrait le faire, les chauffeurs feraient attention! Là aussi ça prend une régie du taxi, pour éliminer les chauffeurs indésirables! »
Il faut aussi comprendre par les temps qui courent que la Ville d’Iqaluit a d’autres chats à fouetter: La métamorphose de la ville en capitale du Nunavut, l’augmentation importante de la population et des services conséquents, le « pelletage » de responsabilités du gouvernement territorial au niveau municipal et sans oublier le moindre… la responsabilité d’assurer le service d’incendie à l’aéroport avec des pompiers volontaires!