La nouvelle est presque passée inaperçue et pourtant, elle revêt une importance majeure sur la scène internationale. Le Processus de Kimberley est officiellement entré en vigueur le 1er janvier dernier. Il oblige dorénavant plus d’une quarantaine de pays importateurs et exportateurs de diamants à exiger soit un certificat attestant l’origine de la pierre brute, soit à délivrer le certificat. Ce système de certification permettra de retracer la route de la pierre précieuse, de son extraction à sa mise en vente.
Ce projet a été mis en branle, en mai 2000, par quelques pays de l’Afrique australe, dirigé par l’Afrique du Sud. Décimés par des guerres sanglantes financées à même le trafic de diamants brut, ces pays ont mis sur pied le processus, avec l’espoir qu’il mette fin aux conflits. En Sierra Leone, huit ans de guerre civile ont été financés par le commerce illicite de diamants.
Le procédé de certification oblige les pays participants à émettre des certificats aux compagnies qui exportent leurs diamants. En pratique, une compagnie comme BHP Billiton aura à se procurer un certificat valide durant 90 jours pour pouvoir exporter les pierres brutes à l’extérieur du Canada. En contrepartie, toute importation de diamants bruts au Canada devra être accompagnée d’un certificat provenant du pays exportateur, attestant que la pierre est «propre».
Pour le directeur général à la Direction de la politique des minerais et des métaux de Ressources naturelles Canada, Denis Lagacé, le processus de Kimberley va faire augmenter les ventes du diamant canadien. « Les gens qui achètent des diamants coupés et polis veulent s’assurer que les diamants n’ont pas été impliqués dans ce genre de conflits dans les pays d’Afrique, explique-t-il. Nous avons remarqué, depuis qu’on a la première mine canadienne à Ekati, un intérêt particulier et un prix un peu plus élevé pour les diamants canadiens. »
La certification des diamants bruts sera accompagnée d’un système de surveillance et de contrôle, dirigé par le pays participant. Chaque diamant brut qui quitte le Canada passera par ce système. Une fois à l’extérieur du pays, par contre, c’est le pays importateur qui prend le relais. Pour la coalition d’organisations non gouvernementales Partenariat Afrique Canada (PAC), qui œuvre dans le dossier de la sécurité humaine, ce système est la faille du processus, car il ne sera pas indépendant. « Nous en avons discuté durant des négociations qui ont duré trois ans, explique la chargée de projet sur la sécurité humaine et les diamants en Afrique de PAC, Susan Isaac. « Nous ne sommes pas parvenu à mettre sur pied un système de surveillance régulier, indépendant de tous les systèmes nationaux qui sont mis en place par les participants du processus de Kimberley. C’est la faiblesse majeure du processus de Kimberley », ajoute-elle.
Les gouvernements participants ont en effet reculé devant une proposition de système plus transparent, qui, selon eux, menacent leur « secrets d’État » et la confidentialité de leurs pratiques commerciales. Pourtant, selon PAC, plusieurs accords internationaux sont assortis d’un mécanisme de surveillance transparent et indépendant. Partenariat Afrique Canada craint que ce manque de neutralité freine l’atteinte de l’objectif, qui est de retirer du marché les diamants de la guerre. « Nous ne sommes pas assurés qu’il n’y aura pas de diamant de la guerre à travers les diamants qui se vendent sur les marchés internationaux », révèle Susan Isaac.
Les gouvernements participants ne sont toutefois pas réfractaires à l’idée de poursuivre les discussions. Partenariat Afrique Canada veut également mettre sur pied un projet-pilote de surveillance, pour démontrer aux gouvernements qu’un processus de surveillance peut fonctionner sans qu’il y ait un accès aux données confidentielles de l’État. Le directeur général, Denis Lagacé, rappelle que les premiers 36 mois seront scrutés à la loupe pour évaluer les impacts qu’aura eu le processus.
Le Canada est actuellement en période de transition. Il a été l’un des meneurs du projet, en accueillant, entre autres, les délégués internationaux, en mars 2002, à Ottawa. Le ministère des Ressources naturelles a travaillé en collaboration avec le ministère des Affaires extérieures et du Commerce international dans l’élaboration du processus. « Le Canada y voyait une question de protection des droits de la personne, raconte Denis Lagacé. Il y avait aussi un besoin de se rallier avec les autres pays pour s’assurer que la démocratie puisse continuer et non être subventionnée par des groupes révolutionnaires. » Le gouvernement fédéral pourrait amorcer des discussions, sur une éventuelle collaboration avec le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, après la période de transition.