Constatant que l’Association franco-culturelle de Yellowknife accuse un déficit accumulé d’environ 20 000 dollars, le principal bailleur de fonds de l’organisme, le ministère du Patrimoine canadien, a décidé de retenir le versement du financement à l’organisme. « On nous dit que nos fonds seront gelés jusqu’à ce que le ministère du Patrimoine canadien voit nos prévisions budgétaires pour 2004-2005 et il veut voir des prévisions équilibrées », de faire savoir la présidente de l’AFCY, Chantal Desgagné.
« Notre coordonnatrice travaille présentement sur un plan avec le conseil d’administration et on va le sortir le plus vite possible pour qu’il (Patrimoine canadien) puisse voir que l’on travaille là-dessus et que nous en sommes conscients. Il nous donnera des fonds aussitôt qu’il verra nos plans budgétaires » de continuer la présidente. Selon elle, il reste encore de l’argent en banque pour subvenir aux besoins immédiats de l’organisme, « mais c’est sûr qu’on ne peut pas se permettre de faire retenir nos fonds comme ça ».
Pour l’AFCY, le mois de décembre est donc consacré à l’élaboration d’un plan budgétaire que l’on espère déposer avant la fin du mois. « Nous pensons que nous serons corrects d’ici la fin de janvier », d’expliquer la présidente, qui qualifie la situation de l’organisme culturel de « critique ». Un plan de redressement de la situation est d’ailleurs en ébauche, fait-elle savoir.
Cette année, la prévision budgétaire indiquait un déficit de 7 000 à 8 000 $. En y ajoutant les déficits des deux années précédentes, on parle d’un trou d’une vingtaine de milliers de dollars, dont plus de la moitié sont occasionnés par Radio Taïga, dont l’AFCY est responsable.
« Je vais rencontrer la directrice de la radio entre Noël et le Jour de l’an. On veut absolument faire une réforme, parce qu’en ce moment, c’est pratiquement la clé dans la porte. C’est dommage, mais c’est comme ça », de commenter Chantal Desgagné.
Selon elle, l’AFCY a définitivement pris de l’expansion au cours des cinq dernières années, mais les subventions n’ont pas connu la même tendance. « Rien n’a changé dans le financement de base de l’AFCY et nous avons la radio qui s’est ajoutée. C’est pour ça que nous sommes en déficit », dit Chantal Desgagné, qui espère que la prochaine entente Canada-communauté saura refléter ce changement.
« À l’AFCY, c’est la même chose, nous manquons de ressources humaines. Notre employée travaille pour trois personnes. Nous avons tellement de paperasse et de rapports à remplir pour nos bailleurs de fonds et pour tout le monde que nous avons de la difficulté à remplir notre mandat culturel ! », de poursuivre la présidente, qui croit que des coupures au niveau des dépenses seront nécessaires. « Je ne peux pas en parler tout de suite. Nous avons commencé à en parler au niveau du conseil d’administration, mais sûrement qu’il y en aura ».
Du côté de Radio Taïga, la directrice, Sylvie Boisclair, mentionne que depuis le début de l’organisme, on est plutôt en mode de survie. « Notre niveau de pauvreté ne nous permet pas de faire de développement. Au moindre bris technique, nous pourrions avoir à tirer la plogue. Si nous voulons continuer, nous avons peut-être un mois pour le démontrer. Mais je ne peux pas couper, nous ne faisons aucune dépense farfelue », dit-elle.
La directrice mentionne que pour éliminer le déficit, un financement de 65 000 $ par année serait nécessaire. Pour passer à l’étape de développement, il faudrait un budget de 90 000 $. Or, le financement annuel de la radio est de 50 000 $, ce qui ne serait pas suffisant pour payer le salaire de l’employée, le loyer, l’entretien technique, la location de l’antenne et la papeterie habituelle.
Selon Mme Boisclair, une plus grande cohésion entre les joueurs de la francophonie de Yellowknife et un plus grand nombre de bénévoles seront nécessaires à un redressement de la situation. Cette dernière est d’ailleurs à préparer un document expliquant le fonctionnement de la radio et faisant état de la situation actuelle. Entre autres, la directrice espérerait trouver des bénévoles prêts à organiser des activités de financement pour la radio.
Selon le secrétaire général de l’Alliance des radios communautaires du Canada, Serge Paquin, Radio Taïga n’est pas la seule radio francophone à connaître ce genre de problème. Alors que 70 % des radios de l’Alliance sont économiquement viables, le reste est qualifié de « culturellement viable » par M. Paquin. Les radios viables sont celles qui sont dans les régions où on retrouve des francophones en assez grand nombre pour que les annonceurs acceptent d’acheter de la publicité dans ces radios.
« Ce que l’on doit remarquer, c’est qu’au fil des ans, depuis 1988, date d’ouverture de notre première station, aucune radio n’a fermé ses portes. Il y a eu des cas épineux à l’extrême, mais on y a fait toutes sortes de plans de redressement et entrepris des actions concrètes pour soutenir ces stations », de raconter celui qui s’entretenait avec les intervenants de Yellowknife au cours d’une conférence téléphonique tenue le 17 décembre dernier.
Sans jeter tout son dévolu de ce côté, M. Paquin rappelle que des discussions sont présentement en cours avec Patrimoine canadien afin d’en arriver à une formule de financement des petites radios communautaires. Présentement, le seul financement disponible à ces radios est l’argent consacré au démarrage. « Il y a une subvention de départ et l’aide est à hauteur de 50 % des immobilisations et, à partir de là, la radio doit voler de ses propres ailes. Dans une situation comme celle de Yellowknife, c’est difficile de dire que la radio pourra s’autofinancer. À un moment donné, elle doit impérativement être soutenue par une association ou des associations francophones », plaide-t-il.
Enfin, M. Paquin rappelle que, pour remplir leur mandat, les associations francophones génèrent peu souvent des revenus, mais que les subventions viennent aider à redresser la situation. « On regarde la radio comme si c’était à côté de tout ça, comme si ça ne faisait pas partie de leur mission. Or, la radio est peut-être le plus bel outil pour contribuer à atteindre les objectifs de la mission de l’organisme par toutes sortes de moyens », de mentionner M. Paquin qui rappelle que, malgré le déficit sur papier, la radio génère un certain revenu, ce qui n’est pas nécessairement le cas des autres activités culturelles organisées par les associations francophones au pays. Au cours de la dernière année, Radio Taïga a vendu 17 000 $ de publicité.