Du 9 au 12 juillet dernier, l’AJD tenait à Fort Simpson son premier sommet intergénérationnel. Un peu plus de 100 jeunes et aînés s’étaient réunis pour discuter du projet de gazoduc et surtout y affirmer leur opposition. « C’était historique, commente enthousiaste l’organisatrice de l’AJD, Jenn Sharman. C’était la première fois que notre génération se réunissait pour discuter du projet de gazoduc. » Et ils ont discuté ferme ! La déclaration officielle de la conférence n’est pas encore finalisée, mais déjà l’ébauche présente avec aplomb les couleurs de l’Alliance : « Nous, Dénés, jeunes du Nord et aînés du Denendeh et du delta du Mackenzie, sommes réunis pour partager notre vision (…) nous élevons nos voix pour résister au projet de gazoduc de la vallée du Mackenzie.
La position du groupe de jeunes quant au gazoduc est claire : le jeu n’en vaut pas la chandelle. Le présent projet a beau se distinguer des propositions précédentes par une implication accrue des communautés autochtones, ce n’est pas assez, estiment les jeunes Dénés. « Dans notre perspective, explique Jenn Sharman, les bénéfices sont toujours insuffisants par rapport à ce que nous devons céder. » Soit le contact avec la terre ancestrale.
Réchauffement planétaire
Plus concrètement, l’AJD évoque les enjeux environnementaux liés au projet et surtout son impact sur les changements climatiques. Comme certains groupes écologistes dont le Sierra Club du Canada, l’Alliance fait le pari que le gaz naturel extrait dans la mer de Beaufort servira principalement à l’extraction d’une autre ressource énergétique dont la valeur est bien plus grande : les sables bitumineux de l’Athabasca. Or, en raison des grandes quantités d’énergie qu’elle nécessite, du gaz naturel par exemple, l’extraction du pétrole contenu dans ces sables a la réputation d’être l’activité industrielle la plus dommageable pour l’atmosphère qui soit. Selon le Sierra Club, les sables bitumineux produisent en moyenne deux fois et demie plus de gaz à effet de serre que le pétrole conventionnel.
Du côté d’Impérial Oil Canada on ne nie pas. « Les marchés pour le gaz naturel de la mer de Beaufort n’ont pas encore été spécifiquement désignés, indique le porte-parole de la compagnie, Pius Rolheiser. Il est toutefois raisonnable de penser qu’une partie du gaz puisse être utilisée pour l’extraction des sables bitumineux de l’Alberta. »
Pétrolières
En s’opposant au gazoduc, l’AJD s’attaque à certaines des plus grosses pétrolières au monde : des compagnies comme Shell, Connoco, Imperial Oil et Exxon-Mobil. Mais cela ne semble pas impressionner outre-mesure Jenn Sharman. Au contraire, elle est bien déterminée à se faire entendre. « Je veux me rendre à l’assemblée des actionnaires d’Impérial Oil et leur dire ‘je m’appelle Jenn Sharman, je viens des Territoires du Nord-Ouest et je m’oppose à ce que vous faites chez moi’ », lance-t-elle.
Lors du sommet, l’AJD avait invité des représentants d’Imperial Oil pour qu’ils répondent aux questions des jeunes Dénés sur le Gazoduc. « Je ne crois pas qu’ils s’attendaient à une période de questions aussi exigeante, raconte la jeune femme. J’étais personnellement très impressionnée. » Ces questions abordaient, entre autres choses, les problèmes sociaux des communautés dénées, les bénéfices monétaires que rapporte le gazoduc à Imperial Oil comparés aux redevances que percevront les Autochtones ou encore la position d’Imperial sur l’énergie renouvelable.
À Imperial Oil toutefois, on ne considère pas l’AJD comme une menace ni comme une opposition sérieuse. « Nous respectons la vision de l’Alliance de la jeunesse dénée, a déclaré à L’Aquilon le porte-parole d’impérial Oil. Mais nous continuons de penser que la majorité des Autochtones concernés par le projet appuient le gazoduc et que les différentes nations du Nord vont en profiter. »
Du côté du Aboriginal Pipeline Group (APG) qui représente les intérêts autochtones dans le dossier du gazoduc c’est l’étonnement total. « Je n’ai jamais entendu parler d’eux », s’exclame le président de l’APG, Bob Reed. Mais dès qu’on lui explique ce qu’il en est, il se rallie à la position de la multinationale. « J’ai visité de nombreuses communautés et je n’ai pas entendu un seul commentaire contre le gazoduc. Les bénéfices sont bien trop importants pour passer à côté de cette opportunité », dit-il en ajoutant qu’il serait très heureux de rencontrer les membres de l’Alliance.
Aînés
Dans ce sommet « de la jeunesse », la parole des aînés occupait une place de choix. Tous les matins, un aîné de la nation dénée partageait sa vision avec les jeunes avant que ceux-ci ne débattent de sujets aussi variés que les droits des autochtones, la mondialisation ou les énergies renouvelables. « Puis on finissait la journée par une prière et par une autre déclaration des aînés », raconte la jeune organisatrice.
Remettre la jeunesse dénée en contact avec la sagesse ancestrale de ses aînés est, d’ailleurs, au centre des préoccupations de l’AJD. « La culture et les traditions se sont perdues assez rapidement, constate Jenn Sharman. Il y a un grand fossé entre les jeunes et les aînés. À l’Alliance de la jeunesse Dénée, nous essayons d’unir les jeunes et les Aînés pour échanger des histoires et créer une vision commune pour l’avenir.
L’Alliance de la jeunesse dénée s’agite Gazoduc
L’Alliance de la jeunesse dénée s’agite Gazoduc
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