Selon les Premières nations du Deh Cho (PNDC), la Commission d’examen conjoint du projet gazier du Mackenzie et la loi sur laquelle elle repose violent leurs droits.
Le Deh Cho reproche au ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada et à l’Office d’examen des répercussions environnementales de la vallée du Mackenzie d’avoir instauré la Commission d’examen conjoint sans son consentement. La Commission, qui sera appelée à prendre des décisions sur un projet de gazoduc dont 40 % du tracé serait situé en territoire Deh Cho, outrepasserait donc les droits des PNDC reconnus par la Charte des droits et libertés et la Constitution canadienne. Les PNDC ajoutent que c’est conformément à la Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie (LGRVM) que l’Office et le ministère ont pu les exclure du processus. En un mot, la Commission et la LGRVM seraient, selon les PNDC, illégales.
« Jusqu’au printemps dernier, commente le grand chef du Deh Cho, Herb Norwegian, la commission d’examen conjoint se mettait en place et nous nous impliquions dans le processus. Mais l’Office d’examen des répercussions environnementales de la vallée du Mackenzie (OEREVM) et le gouvernement du Canada ont pris les devants et l’ont composée sans nous. »
« Ce que nous nous sommes dit, poursuit le grand chef, c’est que la commission est composée de sept personnes et, étant donné que 40 % du gazoduc sera construit sur le territoire Deh Cho, nous voudrions avoir deux représentants. Nous voulions aussi en être une partie. Ce qui veut dire qu’au moment de conclure l’accord il y aurait une section pour que le Deh Cho puisse signer. » L’actuelle commission compte trois parties, c’est à dire : Environnement Canada, l’OEREVM et le Conseil Inuvialuit de gestion du gibier.
En formulant cette plainte le Deh Cho veut démontrer qu’il ne saurait être représenté par l’OEREVM. Dans le texte de la plainte, on peut lire que « La Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie […] crée une situation où l’Office d’examen des répercussions environnementales de la vallée du Mackenzie, qui inclus des représentants des Premières nations Gwich’in et du Sahtu mais pas des PNDC, a pris et continue de prendre des décisions importantes sur l’utilisation de la terre, qui auront un impact sur le territoire et la population du Deh Cho. »
Autrement
Mais, à l’OEREVM, on voit les choses autrement. « Le Deh Cho a été invité, à plusieurs occasions, à soumettre un nom et nous étions prêts à nommer la personne de leur choix sur la Commission », affirme le responsable des communications de l’Office, Roland Semjanovs. Les PNDC, dit-il, ont tout simplement refusé de nommer quelqu’un.
« Ils avaient leur propre position, ajoute le relationniste en pesant minutieusement ses mots. Ils étaient en négociations avec le gouvernement du Canada à propos de leur revendications territoriales. Et, peu importe leur position, ne pas fournir de nom faisait partie de leur stratégie de négociation. »
Le Deh Cho, explique-t-il, voulait faire les nominations lui même, sans passer par l’Office. « Et ça, la loi ne le leur permet pas », dit-il. En effet, selon la LGRVM, que le Deh Cho considère inconstitutionnelle, c’est l’organisme que représente M. Semjanovs qui doit gérer le territoire de la vallée du Mackenzie.
M. Semjanovs évoque aussi le caractère politique de la plainte du deh Cho, toujours en négociations territoriales avec le gouvernement canadien. « C’est malheureux que cela interfère avec le processus d’évaluation environnementale, dit-il. Parce que l’idée de mettre sur pied une commission d’examen conjoint visait à créer une entité indépendante qui se chargerait de mener une évaluation environnementale d’un projet majeur qui traversera la vallée du Mackenzie sur toute sa longueur. »
« Si on regarde la composition de la Commission, argumente-t-il finalement, on constate que ses membres sont majoritairement des Ténois et majoritairement des Autochtones. Je pense qu’on peut affirmer que c’est la première fois qu’une commission appelée à juger un projet de cet ampleur est aussi équitablement constituée. »
Promoteur
Du côté d’Imperial Oil, le principal promoteur du projet gazier, on ne veut pas spéculer de la décision de la Cour. Mais on ne cache pas, non plus, que ce recours en justice est un irritant. « Il s’agit d’un sujet qui nous préoccupe. Nous continuerons de le regarder de près », a dit le porte-parole d’Imperial Oil pour le projet gazier du Mackenzie, Hart Searle.
Selon le porte-parole, la multinationale compte se plier aux aléas du processus d’évaluation environnementale. « Nous ne pouvons pas décider de construire le projet tant que le processus d’évaluation ne sera pas dûment complété », dit-il.
« Si on nous dit qu’on ne peut pas le faire, eh bien, on prendra ça en considération. Mais nous n’avons rien entendu à cet effet, jusqu’à maintenant», dit celui qui estime que le chantier pourrait se mettre en place dans deux ans.
Mais en attendant, la position des Premières nations du Deh Cho demeure ferme : comme l’indique Herb Norwegian, « aucun gazoduc ne traversera le territoire du Deh Cho sans l’accord du Deh Cho. »