Ça y est. Les promoteurs du Projet gazier du Mackenzie ont déposé une demande pour obtenir l’autorisation d’exploiter trois gisements gaziers situés près de Tuktoyaktuk et, surtout, de construire un gazoduc qui irait d’Inuvik jusqu’au nord de l’Alberta. C’est en fonction de cette demande que la Commission d’examen conjoint devra évaluer si le projet est viable et, le cas échéant, s’il doit être modifié ou abandonné.
La demande, comme tel, est un document en six volumes qui compte plus de 8000 pages. La partie la plus importante de ce mastodonte de papier est l’énoncé d’incidence environnementale (EIE) qui décrit le projet ainsi que ses répercussions éventuelles sur l’environnement et la société.
Les promoteurs de ce projet sont Impérial Oil, ConocoPhillips, Shell, ExxonMobil et le Aboriginal Pipeline Group. La demande qu’ils font ne les engage pas à construire le projet advenant une réponse favorable. Imperial Oil a déjà fait savoir qu’elle ne se prononcerait pas à ce sujet avant d’avoir toutes les autorisations en main.
Le gouvernement des TNO c’est déclaré « encouragé » par le dépôt de l’EIE. « Le gouvernement des TNO appuie le développement du projet gazier du Mackenzie, a déclaré le ministre des Ressources, de la Faune et du Développement économique, Brendan Bell. Les défis et les opportunités que représente ce projet sont sans précédent. »
Copies
Pour l’instant, très peu de copies du document circulent. « Notre priorité est de rendre le document accessible aux autorités concernées », explique le porte-parole d’Impérial Oil, Hart Searle. Des copies-papiers ont été transmises aux bureaux du Secrétariat du projet gazier du nord, à Inuvik, Yellowkife et Calgary et aux bureaux de l’Office nationale de l’énergie, à Calgary. « Et je crois que des copies ont été envoyées aux membres de la Commission d’examen conjoint via le Secrétariat du projet gazier du nord », ajoute Searle.
Mais, au moment de mettre sous presse, les autres organismes et citoyens qui en avaient fait la demande attendaient toujours leur exemplaire. « Nous avons fait une demande au début septembre et nous avons obtenu une réponse d’un employé d’Imperial Oil qui nous a dit qu’ils avaient mis notre nom sur une liste. […] Mais nous n’avons jamais pu savoir quand nous recevrions une copie-papier ou un CD-ROM et, en ce moment, nous n’avons toujours rien reçu », commente Kevin O’Reilly du Canadian Arctic Ressources Commitee.
Même son de cloche du côté du Conseil sur la condition de la femmes des TNO. La présidente, Barbara Saunders, raconte que son organisme a demandé une copie, il y a plus de deux mois, et qu’ils attendent encore. Comme plusieurs autres organismes, dont L’Aquilon, elle espérait une livraison « au courant de la semaine ».
Selon Hart Searle c’est le volume du document qui cause ce contre-temps. « C’est beaucoup de papier, dit-il. Nous avons dû envoyer les demandes aux TNO par avion avec le fret. Ce n’est pas une mince affaire. »
Kevin O’Reilly n’est pas impressionné par cet argument. « Quand nous avons fait des demandes semblables pour d’autres EIE– c’est-à-dire celles des mines d’Ekati et de Diavik – nous avons obtenu des copies, et nous les avons eues en même temps que tout le monde », dit-il.
Le document n’est pas secret pour autant. La participation du public au processus de révision est d’ailleurs prévue par la loi et des budgets sont alloués à cet effet. Des copies de l’EIE peuvent être consultées dans les différents bureaux du Secrétariat du projet de gaz du nord et dans les bureaux régionaux d’Impérial Oil situés à Inuvik, Norman Wells et Fort Simpson. Le document est aussi accessible en ligne sur le site des promoteurs : www.mackenziegasproject.com.
Mais Kevin O’Reilly n’en démord pas. « Des documents en ligne ne répondent pas à nos besoins et ne répondent certainement pas aux besoins des gens de la vallée du Mackenzie, dit-il. […]Les personnes dans les communautés de la vallée du Mackenzie n’ont pas tous un ordinateur ou un accès à Internet et ce n’est certainement pas tout le monde qui a l’Internet haute-vitesse. Alors, qu’on puisse consulter ce document en ligne ne signifie pas qu’ils ont été rendus accessible au public. »
Il évoque aussi la faible convivialité du support informatique. « Les documents contiennent souvent des tables et des histogrammes qu’il faut télécharger à part, peste-t-il. Les cartes sont en couleur et nous n’avons pas d’imprimante couleur. Et d’ailleurs, pourquoi devrions-nous imprimer tout ce matériel ? C’est insensé. »
« J’ai, moi-même, de la peine à lire un document. Je dois prendre des notes, revenir en arrière et ainsi de suite. Alors j’ai besoin d’une copie-papier pour faire un bon examen », renchérit Barbara Saunders qui estime que plusieurs femmes qu’elle côtoie dans les communautés ne sont tout simplement pas habilitées à consulter un document en ligne.
Langue
Après leur première rencontre, en août, les membres de la Commission d’examen conjoint avaient clairement indiqué aux promoteurs qu’une version vulgarisée et résumée de l’EIE devait être mise à la disposition du public et être disponible dans toutes les langues officielles des TNO, sur supports écrit, audio et vidéo. Ces documents n’ont pas encore été produits.
Le porte-parole Hart Searle assure pourtant que son employeur y travaille. « Notre priorité, dit-il, est de produire une version audio en français, en anglais bien sûr et dans les langues autochtones. » Selon lui, c’est le manque de traducteurs qualifiés qui serait responsable du retard.
Des version sur CD-ROM avaient aussi été promises, mais elles ne sont pas prêtes, non-plus. « Je ne pense pas qu’elles seront prêtes avant trois à quatre semaines », Admet Hart Searle.
Pour Kevin O’Reilly et Barbara Saunders, tout cela fait en sorte que la documentation ne peut pas être considérée comme accessible au public et, donc, qu’il est trop tôt pour entamer la révision du projet. Un point de vue que partage la Commission d’examen conjoint. « La commission, souligne-t-on par voie de communiqué, s’assurera que l’examen de l’EIE ne commencera pas tant que l’information requise par les promoteurs n’aura pas été soumise à la commission et rendue accessible au public et aux parties qui souhaitent prendre part à l’exercice. »
En attendant, toutes les personnes intéressées à recevoir le document, dans sa version longue unilingue anglaise, peuvent faire une demande en appelant au 403-237-3580, indique Hart Searle. Le porte-parole assure que toutes les demandes seront traitées, mais, ajoute-t il, « je ne sais pas combien de temps cela prendra ».