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le Vendredi 14 avril 2006 0:00 Économie

Grève du diamant « Business as usual », assure BHP

Grève du diamant « Business as usual », assure BHP
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Depuis le 7 avril, les Travailleurs unis du diamant, qui représentent environ 380 employés de la mine Ekati, sont en grève.

Des lignes de piquetage clairsemées ont été érigées devant les bureaux de BHP Billiton, au centre-ville de Yellowknife, et devant les bureaux de Braden Bury Expediting, où les travailleurs prennent normalement l’avion pour se rendre à la mine située à 300 kilomètres au Nord de la capitale des TNO.

La dernière ronde de négociations, qui avait lieu les 5 et 6 avril à Edmonton, s’étant soldée par un échec, le syndicat affilié à l’Alliance de la fonction publique du Canada (AFPC) a mis ses menaces à exécution et a demandé à ses membres de ne pas rentrer travailler. Tôt vendredi matin, ce sont 137 travailleurs qui ont été évacués de la mine.

« BHP a refusé de conclure une convention collective juste avec ses employés et les a forcés a faire la grève», a affirmé le vice-président de l’AFPC pour la région du Nord, Jean-François Des Lauriers, au déclenchement du conflit. « Pas de contrat, pas de diamants. Nous ne retournerons pas au travail tant qu’il n’y aura pas une bonne entente. »

Mais, selon l’employeur, la grève ne change pas grand-chose aux activités minières. « La mine fonctionne comme d’habitude », assure Deana Twissel, une porte-parole de BHP Billiton.

Notons qu’une importante partie de la main d’œuvre qui travaille à la mine est composée de contractuels qui ne sont pas des employés de BHP. En outre, les Travailleurs unis du diamant ne représentent pas la totalité des employés d’Ekati, mais tout au plus la moitié d’entre eux.

Scabs

La compagnie australienne, qui jusqu’au déclenchement de la grève refusait de commenter le conflit de travail, assure ne pas embaucher de briseurs de grève pour maintenir l’activité de sa mine des TNO.

« Aucun briseur de grève n’a été transporté à la mine. La mine Ekati continue ses opérations avec ses propres travailleurs, des contractuels et ses partenaires. Nous n’embauchons pas de scabs et nous n’avons pas l’intention de le faire », affirme Deana Twissel.

Mais, d’après le syndicat, BHP en embauche, des scabs. L’AFPC affirme que la compagnie Procon Mining a été contractée par BHP pour fournir de la main d’œuvre de remplacement à la mine Ekati.

Mardi, des membres des Travailleurs unis du diamant sont parvenus à occuper les bureaux de Procon, à N’Dilo, près de Yellowknife. Après quelques minutes, les grévistes ont quitté dans le calme les bureaux de la compagnie basée en Colombie-Britannique.

Selon Deana Twissel, Procon Minig effectue des contrats à Ekati, mais ce ne sont pas des tâches normalement exécutées par les travailleurs syndiqués. Procon effectue des travaux à Ekati depuis « des années », précise Twissel.

L’embauche de briseurs de grève est légale aux TNO, mais cette pratique honnie du mouvement syndical est un sujet spécialement émotif à Yellowknife. En 1992, quand des scabs avaient été employés durant une grève à la mine d’or Giant, le conflit s’était soldé par une effusion de sang qui souille le passé de la ville minière. Une bombe artisanale avait détonné dans un conduit souterrain de la mine, provoquant la mort de neufs travailleurs de remplacement.

Les briseurs de grève avaient alors été embauchés en sous-main par Procon Mining.

Désaccréditation

Comme pour ajouter à la controverse, le 5 avril une demande de révocation de l’accréditation syndicale a été déposée par des travailleurs d’Ekati à la Commission des relations de travail du Canada.

D’après l’AFPC il s’agit d’une manœuvre de la compagnie pour discréditer le syndicat qui ne reflète pas les aspirations de la majorité de ses membres.

« Ce n’est rien de plus qu’une tentative désespérée de BHP pour miner l’intention de nos membres qui est de faire la grève », a commenté Jean-François Des Lauriers.

Quoi qu’il en soit, il demeure que des travailleurs syndiqués d’Ekati travaillent encore malgré le conflit de travail. Selon les sources, le nombre de ces travailleurs qui défient l’avis de grève varie. Il y en aurait au minimum 17.

Selon BHP, mercredi, au changement de quart de travail bi-hebdomadaire, des travailleurs syndiqués ont franchi les lignes de piquetage et sont rentrés travailler.

Syndiqués depuis juin 2004, les mineurs d’Ekati tentent de conclure ce qui serait leur toute première convention collective. Entre autres revendications, les syndiqués veulent obtenir de meilleurs salaires et de plus amples congés, ainsi que des possibilités d’avancement plus « justes » pour les travailleurs autochtones qui composent une tranche importante des employés de la mine.

Aux Communes et à la police

Mardi, le conflit s’est rendu jusqu’à Ottawa. Profitant de son premier droit de parole à vie à la chambre des Communes, le député de Western Arctic, le néo-démocrate Dennis Bevington, a demandé au ministre des Affaires indiennes et du Nord de se mêler de l’affaire.

« Étant donné que les ressources naturelles des TNO sont contrôlées par ce gouvernement [fédéral], ces travailleurs sont assujettis au Code du travail fédéral. Je demande au ministre des Affaires indiennes et du Nord et au ministre des ressources humaines de s’intéresser activement à ce conflit de travail », a déclaré le député.

D’après lui, « ces travailleurs luttent pour obtenir les normes de travail canadiennes de base ».

Le représentant des TNO à la chambre basse n’est pas le seul à se préoccuper du conflit de travail, la Gendarmerie Royale du Canada aussi s’inquiète. Dès le premier jour de grève le détachement de Yellowknife de la GRC a indiqué son intention de « surveiller les activités liées à la grève. »

« Nous voulons nous assurer que le conflit puisse suivre son cours et arriver, dans le calme et la sécurité, à un règlement », indique le caporal Francis Cullen. La GRC assure qu’elle demeurera impartiale tout au long du conflit.

Le marché ne fléchit pas

Cette grève qui intéresse la presse jusqu’au niveau international – notamment en Israël et en Afrique du Sud, des plaques tournantes du diamant, de même qu’en Australie où se trouve le siège social de BHP Billiton – ne semble pas avoir d’impact négatif sur la valeur du titre de la société minière.

En fait, le titre de BHP est en hausse depuis mars. Après une très légère baisse le 7 avril, le titre a gagné plus d’un cent, depuis le début de la grève.