Le vieil adage dit qu’« en affaires, il n’y a pas d’amis ». Or, si l’on doit se fier aux recherches de l’organisme Mines Alerte (Mining Watch Canada), BHP Billiton a poussé l’idéologie jusqu’à transformer ce dicton en quelque chose qui pourrait ressembler à « en affaires, il n’y a pas de morale ».
La coordonnatrice nationale de Mines alerte, Joan Kuyek, était dans la capitale, la semaine dernière, pour parler de l’importance, pour les travailleurs d’Ekati, d’obtenir une convention collective. « J’ai entendu des histoires où l’on forçait des gens à retourner au travail alors qu’ils étaient blessés. Ça arrivait avant que le syndicat ne soit là. Il y avait des gens qui faisaient 13 $ de l’heure alors que tout le monde est supposé faire beaucoup d’argent. Plus tu entends ces histoires et plus tu réalises que les gens ont besoin d’un processus clair pour négocier les salaires et qu’ils ont besoin de dispositions qui reconnaissent l’ancienneté et de contrats qui leur donnent un soutien collectif pour les enjeux de santé et de sécurité », de mentionner Mme Kuyek.
Cette dernière ajoute que de bonnes lois environnementales sont nécessaires pour encadrer les compagnies minières qui décident de s’installer dans une région.
Pour appuyer ses dires, Mme Kuyek prend l’exemple de BHP Billiton, propriétaire de la mine Ekati, où une grève sévit depuis le 7 avril dernier.
Devant une audience à l’attention captive, Mme Kuyek a énuméré quelques manières d’opérer de BHP Billiton en Papouasie-Nouvelle-Guinée, au Mozambique, en Colombie et en Inde. « C’est important de garder en tête que même s’ils travaillent de manière différente à Yellowknife, derrière la façade, on retrouve une bête en cage. Il n’y a pas de raison de présumer que même si elle dispose maintenant d’une Charte, la compagnie a changé son comportement », déclare-t-elle.
L’histoire de la Papouasie-Nouvelle-Guinée a dressé les cheveux sur la tête de plus d’un. La compagnie minière y a ouvert une mine, sur la rivière Ok Tedi, au cours des années 1980.
Or, en 1984, tous les déchets de la mine se sont déversés dans la rivière. Au lieu de réparer la digue qui contenait tous ces déchets, la minière a décidé de faire pression sur le gouvernement local pour que ce dernier accepte que la mine continue de verser les substances dans la rivière.
« 30 000 personnes vivaient en aval de la mine et leur subsistance dépendait de la rivière avec l’agriculture et la pêche. Leur milieu de vie a été détruit et la compagnie a obtenu l’approbation du gouvernement en 1989 pour continuer de jeter 80 000 tonnes de déchets miniers par jour. Ça a tué 2000 km carrés de terrain », poursuit Mme Kuyek.
S’en est suivie une longue querelle juridique impliquant le gouvernement de Papouasie-Nouvelle-Guinée (sous les pressions de BHP), les cours australiennes et les propriétaires terriens. Le tout s’est soldé par une entente hors cour. « La compagnie était d’accord pour payer les dommages et arrêter les déversements dans la rivière, mais ils ne l’ont pas fait. En avril 2000, il y a eu une poursuite pour bris de l’entente », continue Mme Kuyek.
« En 2003, une autre entente est survenue entre les propriétaires et la mine qui se retirait des opérations. La compagnie a dit qu’elle fera un fonds de développement durable. On s’attendait à ce que la mine soit épuisée en 2010 et il est difficile de savoir comment ils financeront ce plan si la mine est arrêtée », raconte Mme Kuyek, en ajoutant que c’est à ce point que le gouvernement de Papouasie-Nouvelle-Guinée doit s’impliquer financièrement dans la mine.
Selon Mme Kuyek, il s’agit là d’une « histoire intéressante, parce qu’elle démontre la pression que les compagnies minières peuvent mettre sur les gouvernements et leur indifférence complète pour ce qui se passait avec les gens. Il y a quelques semaines, nous avons obtenu l’information à l’effet que ces déchets pollueront la rivière pour 200 à 300 ans de plus. Ça veut donc dire que c’est la fin de ce milieu de vie pour les gens qui vivent sur ses rives. Cependant, ils n’ont plus la possibilité de poursuivre la compagnie à cause de l’entente hors-cours ».
Le message que Joan Kuyek venait livrer aux gens de Yellowknife était donc que « à moins que tu aies un gouvernement fort et des communautés fortes qui peuvent combattre et contenir ces compagnies, ces dernières prendront tout ce dont elles ont besoin. Ce qui les intéresse le plus, ce sont les chiffres au bas des bilans financiers ».
« Nous parlons de la richesse de la terre. On prend les ressources naturelles, comme le diamant, et on les change en argent sonnant. Les travailleurs d’Ekati et les gens qui travaillent dans d’autres mines enrichissent ces compagnies et méritent donc le respect. Et la seule manière d’y arriver, c’est par la négociation de conventions collectives », dit-elle.
L’Aquilon a tenté de recueillir les commentaires de la compagnie minière sur les propos de Mme Kuyek. Du côté du département des relations publiques de la mine Ekati, on indique que « c’est une affaire qui concerne le département des communications au siège social de BHP Billiton. Les gens qui y travaillent ont un horaire chargé ces temps-ci et nous vous reviendrons là-dessus ». Au moment de la tombée, personne de BHP Billiton n’avait encore rappelé.