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le Vendredi 30 mars 2007 0:00 Économie

La pression est forte pour que les contribuables assument une partie des frais de construction. Subventionner ou non le gazoduc ?

La pression est forte pour que les contribuables assument une partie des frais de construction. Subventionner ou non le gazoduc ?
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Dans une entrevue accordée à l’hebdomadaire en ligne Nickle’s Daily Oil Bulletin, le ministre de l’Industrie du Tourisme et de l’Investissement des Territoires du Nord-Ouest, Brendan Bell, affirme que le gouvernement fédéral devra délier les cordons de sa bourse s’il veut que le Projet gazier du Mackenzie aille de l’avant.

« Nous prônons le même genre d’investissements et de garanties que ceux qui se sont avérés essentiels à la construction du réseau ferroviaire canadien, à la création de la voie maritime du St-Laurent et à d’autres projets phare qui ont bâti le pays », affirme le ministre Bell à la revue Web spécialisée dans l’industrie pétrolière et gazière canadienne.

Comme il l’avait déclaré une semaine plus tôt dans l’enceinte de l’Assemblée législative, Bell propose des investissements fédéraux dans certaines infrastructures connexes au pipeline – les débarcadères de barges le long du fleuve Mackenzie entre autres.

Il réclame également des prêts garantis pour l’Aboriginal Pipeline Group, cette société autochtone qui posséderait un tiers des droits du pipeline advenant que le projet attire d’autres exploitants que les promoteurs du projet initial.

Enfin, le ministre demande que le gouvernement fédéral garantisse des volumes de gaz supérieurs à la capacité des champs gaziers initiaux. Ainsi d’autres gisements tels que ceux de la mer de Beaufort et de la région de Colville Lake seraientt rendus plus accessibles aux investisseurs potentiels.

Ces affirmations recoupent les propos du vice-président d’Imperial Oil Canada, Randy Broiles, qui a réclamé ce même genre de « boniments » le 12 mars dernier, à l’issue d’un point de presse. Durant cette allocution, Broiles a annoncé que les coûts estimés du mégaprojet s’élevaient désormais à 16,2 milliards de dollars, contre 7 milliards $ en 2004.

Tant le vice-président d’Imperial Oil que le ministre de l’Industrie ont laissé entendre que de tels investissements ne constituent pas des subventions à proprement parler.

À Ottawa, on semble ouvert à une aide à l’industrie. À la Chambre des communes, le 19 mars, lors de la période des questions orales, le secrétaire parlementaire aux Affaires indiennes, Rod Bruinooge, a indiqué que des subventions étaient probables.

« Il est évident que le projet de pipeline de la vallée du Mackenzie représente un important avantage économique pour le Nord. Notre gouvernement entend appuyer le secteur privé pour s’assurer qu’il sera mené à bien », a-t-il déclaré à la Chambre.

Quelques jours plus tôt, citant une source gouvernementale anonyme, le Financial Post révélait que le gouvernement fédéral songeait sérieusement à acheter des actions participatives (equity shares) dans le projet. D’après cette source, posséder une partie du pipeline serait la seule forme d’appui financier que le gouvernement serait prêt à considérer.

Sous le gouvernement libéral de Paul Martin, de telles propositions avaient été présentées aux promoteurs du Projet gazier du Mackenzie qui avaient catégoriquement rejeté tout rachat partiel du projet par le gouvernement. Avec l’escalade des coûts l’attitude du consortium gazier pourrait cette fois différer.

Du chantage

Pour la coalition de groupes d’intérêts nordiques Alternatives North, l’escalade des coûts annoncée par Imperial Oil, n’est rien de plus que du chantage.

« C’est une manoeuvre flagrante de chantage opérée par certaines des plus riches multinationales du monde pour inciter les gouvernements à leur accorder de l’aide sociale corporative », affirme Ben McDonald, un porte-parole d’Alternatives North.

La coalition estime que des subventions ne sont pas nécessaires pour ce projet, et ce d’aucune façon. « Les contribuables canadiens et les résidents du Nord ne devraient pas financer les profits exorbitants de ces compagnies monstrueuses », dit-il faisant référence à ExxonMobil, la société américaine qui détient 70 % des actions d’Imperial Oil Canada. En 2006 ExxonMobil a dégagé des profits nets de 36 milliards US$, ce qui en fait la plus riche compagnie au monde.

Chose rare, l’opinion de la coalition de gauche concorde avec les propos du président du Aboriginal Pipeline Group, Fred Carmichael, rapportés dans l’édition du 16 mars du Financial Post. Selon le Post Carmichael aurait affirmé que Imperial Oil a gonflé les coûts pour obtenir davantage d’aide gouvernementale.