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le Vendredi 13 avril 2007 0:00 Économie

Grande séduction: Quand le Nord se fait racoleur

Grande séduction: Quand le Nord se fait racoleur
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Le 10 avril, les trois premiers ministres des territoires du Nord sont partis ensemble pour un voyage de pêche à Toronto. N’importe quoi, pensez-vous ? C’est que ce n’est pas de pêche à la truite dont il s’agit ici. Joe Handley, Paul Okalik et Dennis Fentie étaient à la pêche aux touristes.

Le projet s’appelle « Look Up North » et se veut l’ultime campagne de séduction pour attirer les Canadiens au Nord du soixantième parallèle. Les meilleurs leurres de communication persuasive sont à l’eau pour ferrer de gros poissons : un site Web aux animations époustouflantes (www.lookupnorth.ca) a été mis sur pied, des annonces Web sont disséminées sur plusieurs sites achalandés, quatre spots publicitaires ont été produits pour la télévision nationale, des encarts ont été insérés dans de grands quotidiens et on a même embauché des musiciens du Nord pour composer une trame sonore originale pour la campagne.

Un concours a aussi été développé avec la chaîne télé CTV. Les téléspectateurs peuvent remporter une expédition en canot au Yukon, un voyage de pêche aux TNO ou une expérience culturelle au Nunavut.

Chacun de ces outils vante de façon éhontée les attraits des trois territoires. On parle ici des Territoires du Nord-Ouest où « vous verrez des panoramas que vous n’avez jamais vu auparavant que vous voyagiez à pied, en canot, en avion ou en traîneau à chiens ». Là on évoque le Nunavut où « vous verrez les ours polaires vaquer librement sur les plaques de glace et les bœufs musqués charger comme l’éclair dans la toundra ». Ici encore on s’émeut du Yukon « un royaume de paysages escarpés et de beautés majestueuses ».

On ne vise pas seulement les touristes mais également les investisseurs à qui l’on promet que « la prochaine Ruée ver l’or du secteur des ressources naturelles » se produira au Yukon, que l’avenir commercial des TNO « a belle allure » et que le Nunavut « est reconnu internationalement pour son industrie culturelle ».

C’est dans une foire commerciale de la métropole canadienne que les trois premiers ministres ont tendu leurs filets. Avec eux, une kyrielle d’appâts humains : des joueurs de tambours traditionnels, des chanteuses de gorge, la folkeuse Leela Gilday, la musicienne yukonnaise Barb Chamberlin et le toujours appétissant chef de L’Héritage Pierre Lepage. Le communiqué promettait aux médias du Sud « des merveilles ». Rien de moins.

Dans cette clinquante campagne de marketing, la langue française est tout à fait absente. Le site Web est résolument unilingue anglais, les publicités itou et les marchés visés sont, dans cet ordre, « Toronto, Vancouver, Calgary, Edmonton, Ottawa et Winnipeg ». Exit Montréal, Québec et leurs accents aigus.

Difficile de dire si les premiers ministres rentreront, oui ou non, bredouilles de leur escapade dans la ville reine. Une chose semble sûre cependant, le poisson ne parlera pas français.