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le Vendredi 5 octobre 2007 0:00 Économie

Histoire de char

Histoire de char
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Ça fait longtemps que je ne vous ai pas conté une histoire de char. Pourtant, vous ne savez pas à quel point j’aime les chars. Je sais, c’est niaiseux, mais c’est comme ça. Si j’avais à recommencer toute ma vie, il est fort probable que je serais mécanicienne, et que je ferais de la mécanique de précision, de chirurgie, si je peux m’exprimer ainsi. D’ailleurs, je crois vous l’avoir déjà dit, mais j’ai déjà pris un cours de base de mécanique du gouvernement du Québec. On devait démonter un moteur de tondeuse, et le remonter. Bien sûr, si le moteur démarrait, on passait le cours. On était deux par moteur. J’étais jumelée avec une autre fille. Et croyez-le ou non, notre moteur a démarré comme un neuf. Et à quelque part, dans mes paperasses, j’ai un papier qui atteste que j’ai passé ce cours.

C’est certain qu’avec ce cours, on ne va pas très loin, mais au moins, on peut arriver au garage et savoir en gros ce qui se passe sous le capot, c’est-à-dire orienter les recherches des spécialistes, par un son, ou un diagnostique évasif. Vous me suivez?

Donc, l’histoire que je vais vous raconter ici n’est pas très glorieuse.

Par un beau dimanche, il y a quelques semaines, je me lève en me disant que ce serait bien d’aller faire une ballade en voiture. Après quelque réflexion, je décide d’aller dans la région de Charlevoix, jusqu’à la Malbaie. C’est une jolie région, et pas trop loin de Québec. Je pars donc tôt le matin, avant le petit déjeuner, en me disant que j’irais manger là-bas. En avant la route!

Comme il est tôt, il n’y a pas encore beaucoup de trafic à mon départ. Mais plus j’avance, plus ça s’intensifie. C’est une route assez empruntée, cette route qui longe le fleuve. Donc, quand j’arrive dans le bas des énormes côtes dans le bout du mont Ste-Anne, on n’est pas à la queue leu leu, mais presque. Et j’entame l’ascension de ces côtes. Tout va bien, la conduite est agréable, la journée est magnifique et la voiture roule sur des roulettes.

Et je poursuis ainsi jusqu’à la deuxième côte, passée Baie St-Paul. Quand on arrive, on descend sans fin, et ensuite, on doit monter une pente qui n’en finit plus. Je me prépare donc à dépasser dans la double voie une voiture qui, à ce qui me semble, roule moins vite que moi. Et le conducteur de cette voiture décide que je ne passerai pas, il accélère donc, et comme la pente est vraiment prononcée, je dois mettre la pédale au fond pour arriver à le dépasser, mais en vain, car je perds de la force, je me range donc derrière la voiture, sur l’autre voie. Et c’est là que le malheur arrive. Je regarde dans le rétroviseur pour apercevoir une grosse fumée blanche si dense que je ne vois pas la voiture derrière moi.

Oh! Oh!, me dis-je, je suis en train de brûler. Donc, j’attends pour pouvoir me ranger que le trafic passe. Car il y a de plus en plus de voitures. L’accotement n’est pas large, c’est dangereux. Je m’arrête seulement tout au haut de la côte, et j’ouvre le capot. Et c’est là que je découvre ce qui s’est passé : toute l’huile est sortie du moteur. Je vous le dis, toute. Il y a de l’huile partout. Et comme j’avais vérifié mon huile avant de partir, et qu’il n’en manquait pas, vous pouvez imaginer le dégât. Et ça boucanne pas à peu près. On dirait que ça va cramer, si vous me passez l’expression. Je suis tout près d’un village appelé St-Hilarion. Je rajoute un demi-litre d’huile, histoire de ne pas rouler complètement sans huile, et je me rends doucement, avec les urgences qui clignotent, jusqu’au prochain garage. J’achète quatre litres d’huile que j’ajoute et je me demande si je ne devrais pas me risquer à rouler jusqu’à Québec, car j’ai changé mon itinéraire avec l’incident. C’est alors qu’arrive une jeune fille qui vient me voir et regarde le tout. Elle prend des cours de mécanique de gros véhicules et elle me conseille de ne plus le faire rouler. Sinon, je pourrais me retrouver sur le bord du chemin, mal prise. Je décide donc de l’écouter et fais venir le CAA. Justement, pas très longtemps auparavant, je me disais que cette carte n’avait pas beaucoup servi. Et bien voilà qu’elle se révèle tout à fait utile, car je suis à 150 kilomètres de mon garage, à Québec.

Je laisse donc la voiture dans la cour de mon garage et lundi matin, au lever du jour, j’appelle le garage pour expliquer l’histoire et demander un diagnostic. Et là, le verdict est tombé : mon moteur était sauté.

Pas besoin de vous dire que je n’étais pas fière de moi. Et pourtant, je n’étais pas responsable. La seule responsabilité que j’ai eu est de ne pas m’être immobilisée sur le champ, mais je ne pouvais pas, en raison du danger.

La seule consolation que j’ai eue est que je n’avais pratiquement jamais mis d’argent sur cette voiture en cinq ans, sauf pour les changements d’huile et de pneus. Et j’ai pris la décision qui s’imposait, celle de faire changer mon moteur. Mais comme j’ai une 1988, pas évident de trouver un moteur qui aille. Finalement, on a trouvé un moteur de 1992 qui pouvait être adapté, et c’est ainsi que vendredi, près d’un mois sans voiture, j’ai pu regagner ma place derrière le volant. Je n’aurais pas pu vous le raconter avant d’en savoir la fin. Ça finit bien, malgré tout. Je ne vous souhaite pas que ça vous arrive, c’est une bien vilaine sensation. Mais après tout, me disais-je, je n’avais aucun mal, je n’avais pas eu d’accident. Ce n’était qu’un incident. Et je me suis consolée. Et là, en ce beau dimanche d’automne, je me disais que je devrais peut-être aller voir les feuilles dans la région de Charlevoix… mais je ne suis pas certaine d’avoir envie de repasser par-là tout de suite.