Le géant spécialisé dans l’approvisionnement en gaz naturel, TransCanada Corp., a rempli le 21 novembre une demande auprès de l’Alberta Energy and Utilities Board pour un projet de gazoduc de près de 1 milliard $ dans le Nord de la province. Coïncidence ou pas, cette application survient la journée même de la date limite pour le dépôt des conclusions finales par les différents intervenants au Comité d’examen conjoint du Projet gazier du Mackenzie.
Shela Shapiro, porte-parole chez TransCanada Corp, a déclaré en entrevue à L’Aquilon qu’il ne faut pas faire de lien direct entre ce projet de gazoduc dans un corridor central de 300 kilomètres qui relierait le Nord-Ouest et le Nord-Est de l’Alberta et le futur gazoduc de la Vallée du Mackenzie.
« Le projet est nécessaire pour faire face à la fois aux changements de localisation des sources d’approvisionnement en gaz naturel et des demandes de quantité dans le système albertain. De futurs approvisionnements du gazoduc du Mackenzie ne sont pas requis pour supporter le projet de corridor central au nord », a révélé Mme Shapiro.
Elle précise toutefois que ce nouveau corridor permettra aussi de répondre à des capacités d’approvisionnement additionnelles en provenance du Nord-Ouest de l’Alberta, ce qui inclut le gaz naturel du Mackenzie.
Pour ce qui est du moment de l’annonce, Mme Shapiro réfute que la compagnie ait volontairement attendu à la date limite du dépôt des remarques finales des intervenants au Comité d’examen conjoint pour faire part de ses intentions. « Nous avons fait notre annonce lorsque nous avons eu toutes les informations appropriées et que toutes les pièces étaient en place », a-t-elle signalé.
La porte-parole conclut que ce projet d’expansion au système actuel est à l’étude depuis 10 ans et se veut une bonne alternative face à la diminution des capacités d’approvisionnement de gaz dans le Nord-Est de la province. C’est notamment dans cette région que l’on retrouve les florissants puits de sables bitumineux de la région de Fort McMurray, de plus en plus demandant en gaz naturel.
« Le projet de corridor central au nord est l’instrument le plus efficace pour s’adapter à l’évolution constante des approvisionnements en gaz, a pour sa part déclaré Hal Kvisle, président et directeur exécutif de TransCanada, par voie de communiqué. Nous continuons de travailler avec nos clients afin de trouver des solutions novatrices pour rencontrer les besoins changeants du marché ».
« Des mensonges »
Pour les représentants des groupes écologistes comme Shelagh Montgomery, d’Alternative North, ce nouveau projet dans le Nord de l’Alberta se veut l’ultime preuve que le gaz naturel extrait du delta du Mackenzie ira directement pour renflouer l’industrie albertaine des sables bitumineux.
De son côté, Stephen Hazell, du Sierra Club du Canada, ne donne absolument aucune crédibilité aux propos de TransCanada affirmant qu’il n’y a aucun lien direct entre les deux projets de gazoduc. « Ce sont des mensonges de dire que le gaz du Mackenzie ne va pas aller dans les sables bitumineux. Il ne construirait pas ce gazoduc dans le corridor central du Nord sans avoir l’intention d’amener ce gaz dans les sables bitumineux », a-t-il déclaré.
Le représentant ajoute que le secteur des sables bitumineux requiert une demande de plus en plus grande d’approvisionnement en gaz naturel et que ce projet ne fait que répondre aux impératifs du marché. « De la façon dont le secteur des sables bitumineux croît, ils prévoient tripler la production d’ici 2015. […] Et une quantité énorme de gaz naturel sera requise pour faire ça. Il n’y a pas d’autres alternatives raisonnables pour l’instant », se désole-t-il.
M. Hazell pousse l’analyse plus loin. « La réalité est que beaucoup de ce gaz va se retrouver dans les sables bitumineux et ça va finir par une augmentation des émissions de gaz à effet de serre au Canada parce que le pétrole extrait des sables bitumineux est trois fois plus polluant que le pétrole conventionnel », a-t-il prévenu.
Il trouve vraiment regrettable que le gaz naturel des TNO fasse éventuellement partie du problème plutôt que de la solution dans le dossier de la hausse des émissions de gaz à effet de serre. M. Hazell continue de prôner qu’il serait préférable d’utiliser le gaz naturel pour appuyer le développement des diverses communautés le long du fleuve Mackenzie et non servir les intérêts pétroliers du Sud.
Stephen Hazell rejette aussi du revers de la main la version de TransCanada sur la date de l’annonce. « Ce n’est pas une coïncidence », souligne M. Hazell, en précisant que les interventions de certains groupes d’intérêt au Comité d’examen conjoint auraient pu différer en tenant compte de ce nouveau morceau au puzzle.
Pas de relation
Interrogés à l’issue d’une conférence sur le développement du Nord qui s’est déroulé la semaine dernière à Ottawa, le fédéral et le territorial ont refusé d’admettre que le gaz naturel du projet du Mackenzie serait utilisé pour alimenter l’industrie des sables bitumineux en Alberta.
« Oui, Fort McMurray va définitivement utiliser du gaz naturel, mais la façon que je vois ça est que les TNO vont produire du gaz naturel et ça va passer par un système d’acheminement. Mais ça ne veut pas dire que le gaz va se retrouver à Fort McMurray », a déclaré le ministre de l’Industrie, du Tourisme et de l’Investissement des TNO, Bob McLeod.
« Les bénéfices du gazoduc [du Mackenzie] vont aller dans tout le Canada et ne vont pas se limiter à une seule région », a pour sa part souligné Rod Bruinooge, secrétaire parlementaire du ministre des Affaires indiennes et du Nord Canada, Chuck Strahl.
 
						 
                        
 
                                     
                                     
                                     
                                     
                                         
                                        