Le député fédéral de Western Arctic, Dennis Bevington, affirme que l’industrie du diamant aux TNO, sous sa forme actuelle, ne sert pas bien les intérêts des habitants du Nord dans un rapport qu’il a rendu public le 29 novembre.
Son rapport intitulé Diamonds are forever, our mines are not dresse un constat accablant dans la gestion et l’exploitation des mines de diamants et émet dix recommandations afin de rendre l’industrie plus profitable.
« C’est un dossier sérieux, c’est un problème sérieux qui demande beaucoup d’attention », a déclaré Dennis Bevington, qui a travaillé sur la préparation de ce rapport depuis mai dernier et qui a pu compter sur la participation d’intervenants de différents secteurs de l’industrie du diamant.
« Les gens des TNO doivent prendre le contrôle sur la direction de l’industrie minière. Ces diamants nous appartiennent à tous et chacun et nous devons nous assurer que l’extraction de la ressource se fait d’une façon qui assure la durabilité à long terme, la sécurité économique et la création d’une force de travail au Nord », indique le député néo-démocrate dans l’introduction de son document.
M. Bevington s’attaque à plusieurs aspects de l’industrie dans son rapport. Il dénonce particulièrement le haut volume de production aux mines Diavik et Ekati qui dépasse de beaucoup les prévisions initiales. Par exemple, à Diavik, la production après neuf mois en 2007 s’est située à 11,5 millions de carats alors que les prévisions de 2000 parlaient d’une production annuelle de 7 millions de carats.
En plus de profiter aux compagnies qui tirent de plus grands profits, cette situation avantage grandement le gouvernement fédéral qui, en l’absence d’une entente sur la dévolution, peut percevoir beaucoup plus de taxes et de redevances de l’industrie, stipule le rapport.
D’un autre côté, cette production intense amène le problème où la longévité des mines est menacée au détriment de l’économie du Nord à long terme. « Nous avons une situation où nos intérêts jouent contre les intérêts du gouvernement fédéral », a expliqué M. Bevington. Ce dernier indique même qu’une mesure de compensation pour les TNO devrait être considérée par l’industrie et le fédéral.
Le député insiste aussi sur le plus grand rôle que doit jouer le gouvernement territorial dans ce dossier en exigeant du fédéral plus de pouvoir et d’autorité dans l’industrie du diamant. « Le développement minier devrait être entre les mains du gouvernement territorial, devrait être entre les mains des habitants du Nord. […] Si on veut maximiser l’intérêt public des TNO, nous devons nous en occuper », a révélé M. Bevington. Pour lui, il n’est pas nécessaire d’attendre qu’une entente de dévolution soit conclue avec Ottawa pour revendiquer ce transfert d’autorité.
Chose plus facile à dire qu’à faire, réplique le ministre de l’Industrie, du Tourisme et de l’Investissement des TNO, Bob McLeod. « Si c’était aussi simple, nous l’aurions déjà fait, a-t-il confié à L’Aquilon. La façon que sa recommandation est écrite laisse entendre que nous avons juste à demander et le fédéral va nous le donner. Mais en réalité, ça n’arrivera pas », a-t-il averti. « Certainement, nous aimerions avoir plus d’autorité et de responsabilités, mais nous n’avons pas été capables d’en arriver là encore », a poursuivi le ministre, répétant qu’une plus grande intervention du territorial ne peut se faire sans dévolution.
La main d’œuvre
Le rapport se penche aussi attentivement sur la situation de la main d’œuvre dans les mines de diamants d’autant plus qu’avec l’arrivée du projet Snap Lake de la compagnie DeBeers, les trois principales mines généreront plus de 2 000 nouveaux emplois. Dennis Bevington questionne notamment l’efficacité de la SEMA (Socio-Economic Monitoring Agreements) qui vise à favoriser l’embauche de travailleurs du Nord dans les mines. « Ces ententes socio-économiques qui ont été signées ne sont pas appliquées et non pas de mordant», a signalé le député.
Il dénonce que les employeurs embauchent des travailleurs à contrat avec des salaires moindres et peu d’avantages sociaux pour atteindre les quotas de main-d’œuvre provenant du Nord. Le député invite l’industrie à revoir cette pratique.qui est une source de déséquilibre dans la main d’œuvre nordique.
M. Bevington croit aussi que les employeurs devraient reconsidérer la politique de financement des vols d’avion des travailleurs en provenance d’Edmonton ou Calgary afin de favoriser l’embauche et l’établissement des travailleurs dans le Nord. Dans la même veine, le néo-démocrate indique que les employeurs devraient offrir le service de transports dans toutes les communautés des TNO pour favoriser le recrutement de personnel dans des régions ténoises plus isolées.
L’embauche d’une main-d’œuvre féminine doit aussi être une priorité, selon Bevington. Le rapport met d’ailleurs les compagnies au défi d’offrir un service de garde sur le site de la mine pour accommoder les femmes avec enfants. De plus, le nombre d’apprentis faisant leurs classes dans les mines devraient être augmenté et les opportunités de formation devraient être plus élargies.
Bien que les employeurs offrent déjà aux travailleurs plusieurs incitatifs à venir s’établir dans le Nord, le coût élevé de la vie dans la région est un obstacle non négligeable. C’est pourquoi le député fédéral affirme qu’il est primordial de hausse le taux de déduction pour les habitants de régions éloignées à 50 %. Ce taux n’a pas bougé depuis sa mise en place il y a vingt ans.
Le rapport de Bevington recommande finalement qu’une commission sur l’employabilité dans les mines du Nord, regroupant des intervenants de l’industrie, du gouvernement et du milieu des travailleurs, soit mise de l’avant pour maximiser les bénéfices de l’industrie dans le Nord et favoriser à long terme une force de travail stable et compétente. Il est aussi recommandé que Ressources naturelles du Canada établisse une Stratégie nationale du diamant pour l’ensemble du pays.
Bob McLeod s’est dit dans l’ensemble en faveur des recommandations présentées dans le rapport du député de Western Arctic. « Notre gouvernement n’a pas été consulté dans la préparation de ce rapport, mais, de plusieurs façons, ça reflète des domaines qui sont déjà bien avancés pour nous. Nous sommes d’accords que nous devrions tous travailler ensemble pour être sûr que les TNO bénéficient de l’industrie du diamant », a-t-il déclaré.
Il n’a pas été possible d’obtenir les premières réactions officielles à ce rapport du côté de l’industrie. Présent au dévoilement du rapport le 29 novembre, Ken Smith, du département des affaires publiques et corporatives chez DeBeers n’a pas voulu commenter prétextant que la compagnie n’avait pas eu la chance de scruter le document. Les représentants de Diavik et de DeBeers ne nous avaient toujours pas rappelés au moment de mettre sous presse.