le Vendredi 2 mai 2025
le Vendredi 16 août 2013 19:53 | mis à jour le 20 mars 2025 10:39 Économie

Mines Rares, les terres rares?

Mines Rares, les terres rares?
00:00 00:00
  • À l’aube de l’ouverture de la mine Nechalacho d’Avalon, quel diagnostic peut-on poser sur le marché des terres rares?

Les terres rares, ce sont 17 minéraux – dont les lanthanides – qu’on retrouve irrémédiablement dans les mêmes gisements, et qui sont d’une importance primordiale dans les hautes technologies et leurs applications, les automobiles, la téléphonie, etc. Or, les terres rares seraient de plus en plus rares. Alors que les besoins mondiaux s’accroissent, la Chine – plus de 90 % de la ressource mondiale – a radicalement diminué ses quotas à l’exportation en 2011, prétextant ses propres besoins et l’urgence de diminuer l’impact environnemental de l’extraction.
Ce manque à gagner a suscité des réactions internationales. Il a provoqué une session extraordinaire du Sénat français, il a contribué à la mise en place aux États-Unis du Nation Strategic and critical Mineral Production Act (loi H.R. 761), nommément en regard des terres rares « vitales à la création d’emplois, à la compétitivité économique américaine et à la sécurité nationale ». Dans divers pays, particulièrement au Japon, la rareté et l’augmentation astronomique du prix des terres rares ont motivé de nombreuses recherches pour diminuer leur utilisation, les récupérer et trouver des solutions de rechange. Pour couronner le tout, on assiste à une gigantesque course aux terres rares. Alors, frôle-t-on la pénurie?
Ramsay Hart travaille pour Mines Watch, un organisme dont le mandat est de protéger l’environnement et de réformer les lois et politiques minières. À son sens, la rareté des terres rares est avérée, mais gonflée artificiellement par les grandes minières dans le cadre d’une stratégie de marketing pour augmenter les prix, attirer les investisseurs et contraindre les pays à diminuer leurs exigences environnementales. Il en veut pour exemple la loi H.R. 761 aux États-Unis, où la protection de l’environnement est troquée contre une soi-disant priorité économique. « Je me questionne aussi, dit Ramsay Hart, sur le fait que le Mackenzie Valley Review Board ait autorisé le projet d’Avalon à Nechalacho, malgré les réserves des premières nations. » Le lobby des mines, souligne-t-il, est peut-être le plus puissant au Canada après celui du pétrole.

Légers ou lourds?
Ramsay Hart croit que les quelques projets miniers en cours dans le monde suffiront à combler la demande. Il souligne également que lorsqu’il a commencé à se documenter sur les terres rares, on les disait irremplaçables. « Mais quand les prix sont devenus vertigineux, dit-il, on a trouvé des façons de les récupérer ou les remplacer. »
Pierre Neatby, vice-président des ventes et de la mise en marché d’Avalon Rare Metals, apporte ses précisions. « Les terres rares les plus communes, avance-t-il, ce sont les légères. Mes prévisions sont qu’avec l’ouverture des mines de Linus en Australie et de MolyCorp en Californie cette année, ce marché sera saturé. La mine de MolyCorp a 99,5 % de terres légères. »
Ce qui manque, donc, ce sont les terres lourdes. C’est pour cette raison que la Chine, qui a été condamnée par l’Organisation mondiale du commerce, aimerait créer des quotas différents pour les catégories lourdes et légères. Le monde des affaires européen avait réagi aux nouveaux quotas chinois en se montant des réserves, parfois alimentées au marché noir chinois immense avec ses 15 à 20 000 tonnes de production annuelle. Simultanément, explique Pierre Neatby, selon les analystes, les Chinois arriveront au bout de leurs ressources d’ici 20 ans au plus tard. Ils craignent la pénurie pour leurs propres industries et cherchent à investir à l’extérieur de leur territoire, à acheter des compagnies.
Selon les données d’Avalon, sa mine de Nechalacho serait le projet de terres rares lourdes (europium, gadolinium, etc.) le plus gros et le plus avancé au monde et, en matière de tantale et de niobium, les second et troisième dépôts en importance. La mine devrait occuper 5 % des parts du marché mondial à son ouverture en 2017.
« Pour ce qui est des trois R (réduction, remplacement, recyclage), avoue Pierre Neatby, mon opinion est biaisée, mais je ne crois pas que cela va affecter la demande. Oui, on a fait des trouvailles au Japon, notamment sur l’utilisation du cérium. Mais dans certaines autres applications, les terres rares rajoutent une très grande valeur. C’est le cas du néodyme dans les aimants de moteur de voiture. Sans lui, les moteurs deviennent beaucoup plus gros…. et polluants. »
Le vice-président des ventes et de la mise en marché d’Avalon rétorque aux propos de Mine Watch que sa compagnie est contre toute loi diminuant la protection de l’environnement, et souhaite que les études s’accomplissent plus rapidement. « Avalon a pris six ans pour compléter son processus d’approbation à Nechalacho, souligne-t-il. Les gens ont besoin de terres rares mais aussi d’un monde environnemental sain. » Selon lui, on peut faire de l’argent avec les mines sans détruire la planète.