Yvan Brien a plusieurs camionneurs qui sillonnent les routes de glace pour sa compagnie, YB Services.
Parmi eux, il y a Marc-André Moreau, le camionneur le plus performant de la saison 2016.
Marc-André Moreau a passé son permis de classe 1 il y a 9 ans. C’est la huitième année qu’il conduit un camion sur la route de glace entre Yellowknife et les mines diamantaires au nord de la capitale ténoise. Avec seulement quelques jours restants à cette saison 2016, c’est lui qui est en tête du palmarès des conducteurs, c’est lui qui a le plus de voyages à son compteur.
Pour Yvan Brien, le propriétaire de la compagnie YB Services, c’est un plus d’avoir un camionneur comme Moreau : « Oui, j’ai des bons chauffeurs, mais Marc-André, c’est le meilleur sur le chemin, parce qu’il ne casse pas son camion et qu’il connait la game. Pour lui, y a rien de nouveau et il est pas ici en touriste ». Brien explique qu’en 2016, 80 % des camionneurs sont des nouveaux venus et que certains d’entre eux ne sont aux TNO que pour vivre une expérience. « Chaque voyage rapporte environ 2000 $, et là-dessus on en donne la moitié au chauffeur. Alors on prend des risques d’avoir des nouveaux, car s’ils roulent dans le banc de neige ou s’ils cassent un camion, ça peut me couter 5000 $ pour aller le chercher au Nord. Combien de voyages ça prend pour rembourser ça? » questionne l’homme d’affaires en sachant la réponse.
Une année difficile
Cette année, l’ouverture de la route de glace a commencé avec 10 jours de retard. Dix jours perdus pour les camionneurs. « C’est pas quelque chose que tu peux récupérer. Quand la route est fermée… la route est fermée! La saison est finie, raconte Brien. Alors les mines ont eu peur que le ravitaillement ne se fasse pas complètement et ils ont augmenté le nombre de camions sur la route de glace. Ça fait que maintenant il y a toujours une centaine de camions qui ne voyagent pas. Les camionneurs se disent finalement qu’ils peuvent bien rester chez eux et faire autant d’argent chez eux. » Pour celui qui possède 17 camions dont sept sont assignés au transport du carburant et dix au fret, la situation économique en Alberta lui a permis de remplacer rapidement les chauffeurs qui ont déserté la saison 2016. « Il reste que ce n’est plus comme avant, avoue le francophone. Il y a plus rien de romantique avec la route de glace. Au début, j’ai eu la fièvre, je pouvais acheter un camion et le payer en une année, maintenant c’est devenu plate. En plus, on travaille pour le même prix qu’il y a dix ans, mais les camions coutent plus cher, et on paye le fuel aussi, car les mines coupent dans tout ».
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« J’adore ça »
Pour Marc-André Moreau, ce qui fait la différence entre lui et les autres c’est sa témérité. « Dans la compagnie, je suis le plus jeune, mais aussi celui qui a le plus d’expérience. Dans mon cas ce n’est pas une question vitesse, c’est de rester éveillé et c’est une question timing. Quand j’arrive à la mine, je me fais décharger, je prends de la nourriture et je ne perds pas de temps. Tandis qu’il y a des camionneurs qui dorment, qui rentrent et qui discutent avec le monde. Moi, je peux dormir un peu ou partir tout de suite et m’arrêter sur un portage. Je suis un des toughs ». Il assure qu’il fait attention à la mécanique de son camion, à l’huile ou à la suspension, qu’il connait tout le monde et respecte les strictes limites de vitesse pour ne pas se faire suspendre quelques jours.
Le Québécois admet qu’il arrive à maintenir un rythme aussi intense, car il ne conduit pas des camions toute l’année. Il se dit qu’il est ici pour deux mois et qu’il va travailler le plus possible. « Le plus dur c’est de combattre le sommeil. Au fil des années j’ai développé des trucs, comme écouter la musique forte, taper sur le volant, me secouer la tête, crier, boire du café, fumer, me mettre sur le marchepied en ouvrant la portière… C’est la traversée du lac Mackay qui est la plus éprouvante. Ça représente trois heures d’affilée, juste avant d’arriver à la mine Ekati. Mais, j’aime moins ça au Nord, quand j’arrive à la mine j’ai hâte de repartir. J’aime mieux la taïga que la toundra. » En hiver, ce rythme effréné où il ne dort que quelques heures par jours fait partie de lui, dit-il. Il pourrait en parler tout le temps, de la qualité de la glace, des échanges sur la radio avec les amis qu’ils croisent à l’aller et au retour de la mine, de son aversion aux sandwichs sous cellophane ou de la musique des années 80 qu’il syntonise sur SiriusXM. « C’est ici que j’ai appris à chauffer un truck, c’est en moi. J’aime vraiment ça. »