Bien des entreprises, travailleurs et collectivités des TNO craignent de ne jamais revoir la couleur de leurs investissements. La minière Dominion Diamond se mettait en avril à l’abri de ses nombreux créanciers ; une situation temporaire, assure-t-on, le temps de mettre en place un plan de restructuration et de reprendre les activités. Or, rien ne garantit que la compagnie évitera la faillite.
En attendant la suite des choses, certaines administrations autochtones appréhendent le choc. KeTe Whii/Procon, à qui Dominion Diamond doit 2 913 796 $, est une coentreprise qui appartient notamment aux Dénés Yellowknives, à la Première Nation Lutsel’k’e Déné et au gouvernement Tli?cho. Plusieurs entreprises créancières font également partie de la Det’on Cho Corporation, qui a pour mission de créer emplois et prospérité pour la Première Nation des Dénés Yellowknives.
Des attentes face au GTNO
La compagnie Aurora Geosciences, qui offre des services d’exploration et d’exploitation minière, s’inscrit également dans la liste des 10 plus importants créanciers de Dominion Diamond aux TNO, avec une dette à percevoir de 786 000 $.
Le président du conseil d’administration d’Aurora Geoscience, Gary Vivian, adopte un point de vue pragmatique. À ses yeux, Dominion Diamond a agi en toute logique à son endettement et fait preuve de la transparence requise, dans la mesure où les audiences devant le tribunal sont ouvertes au public. En contrepartie, il n’en demeure pas moins, selon lui, que le gouvernement territorial a la responsabilité d’être partie prenante et de défendre les intérêts des créanciers du Nord.
« Ce qu’Aurora Geoscience demande au GTNO, indique M. Vivian, c’est de bien jouer ses cartes pour s’assurer que, quoi qu’il advienne de la mine Ekati, les créanciers puissent être payés. Je crois que le GTNO a la capacité d’aller de l’avant pour appuyer les créanciers à travers ce processus, et j’espère qu’il le fera. »
Une crise beaucoup plus large
Par ailleurs, selon M. Vivian, toute cette situation en cache une beaucoup plus préoccupante, et ce, pour toutes entreprises de service des TNO. Aurora Geoscience a jusqu’à maintenant dû mettre à pied au moins six employés, dans la foulée d’une crise généralisée à l’ensemble de l’industrie minière canadienne.
« Bien au-delà de l’argent que nous doit Dominion, c’est l’interruption sans date limite des activités minières qui nous fera le plus mal, souligne-t-il, en parlant notamment de l’interruption des activités d’exploration minière. Tous les programmes d’Aurora Geoscience ont été annulés cet été à cause de la COVID-19. La compagnie a connu des situations semblables auparavant, mais certainement pas de cette ampleur. Nous devrons faire ce qu’il faut pour survivre, et nous le ferons. »
Dans cette perspective, c’est d’abord et avant tout le gouvernement fédéral qui est pointé. M. Vivian déplore notamment que les subventions salariales ne tiennent pas compte des particularités du Nord. « Avec la subvention salariale de 75 % d’aide financière aux entreprises, les employés peuvent obtenir un maximum de 40 000 $, souligne-t-il. Ce n’est pas suffisant pour vivre dans le Nord. Bien des employés auront été contraints de quitter le territoire au terme de la crise, et les entreprises n’auront plus de main d’œuvre. »
Des retraites en jeu
Les 400 employés de la mine Ekati, qui appartient à Dominion Diamond, pourraient également perdre gros, en subissant une possible coupe de plusieurs millions de dollars à leur régime de retraite. Au moment de présenter le dernier rapport officiel sur le plan de retraite de la compagnie, en janvier 2019, le manque à gagner de l’employeur était de 9,1 millions $. Le syndicat des travailleurs du Nord craint que ce montant soit aujourd’hui beaucoup plus élevé.
« Nous sommes très inquiets pour les fonds de pension de nos membres, affirme Todd Parsons, président du syndicat. Considérant, entre autres, l’impact économique de la pandémie, le manque à gagner pourrait être beaucoup plus élevé que ce qu’indiquent les derniers chiffres officiels. »
L’Union des travailleurs du Nord plaide devant la cour pour que les travailleurs d’Ekati soient priorisés parmi l’ensemble des créanciers de Dominion Diamond dans le processus d’acquittement des dettes.