Le gouvernement fédéral contribue à atténuer le prix des denrées dans cinq collectivités ténoises.
Nahanni Butte fait partie des cinq collectivités ténoises devenues admissibles au programme Nutrition Nord environ deux mois par année.
« Je suis content parce que c’est la première fois que nous avons quelque chose comme ça, commente le chef de Nahanni Butte, Steve Vital. J’aimerais demander davantage, mais je suis heureux avec ce que nous avons. C’est un pas vers l’avant. »
Comme Tsiigehtchic, Fort McPherson, Inuvik et Tuktoyaktuk, la collectivité de 87 habitants sise entre les rivières Liard et Nahanni Sud a désormais droit à des rabais sur des aliments et certains autres produits comme des médicaments en vente libre, des couches et du savon pendant la période du gel et de la débâcle.
La contribution gouvernementale aux couts des denrées est versée aux détaillants, qui doivent la déduire du prix de vente. Cette contribution varie selon les collectivités. Dans le cas des contributions élevées (fruits et légumes surgelés) par exemple, elle passe de 2,70 $ par kilo à Nahanni Butte pour doubler à Tuktoyaktuk.
En 2014, le Vérificateur général du Canada avait relevé des incohérences dans l’admissibilité des collectivités au programme, particulièrement en Ontario, au Manitoba et aux Territoires du Nord-Ouest.
L’annonce de l’ajout des collectivités a été faite le 3 aout dernier par le ministre des Affaires du Nord, Daniel Vandal, du ministère auquel est rattaché le programme Nutrition Nord. Il était accompagné de la première ministre, Caroline Cochrane, et du député des TNO, Michael McLeod.
La question des transports
Nahanni Butte abrite un magasin général. Un pot de beurre d’arachides y coute entre huit à dix dollars, assure le chef Steve Vital ; un paquet de 24 bouteilles d’eau se chiffre à 40 $. « C’est pas 3 $ ou 5 $ comme à Yellowknife, dit-il. J’étais là la semaine passée, j’ai acheté 10 paquets pour 30 $. »
Mais les gens de Nahanni font aussi leurs emplettes à Hay River, Yellowknife et Fort Nelson, en Colombie-Britannique, à environ deux heures trente de voiture.
Aucune route ne se rend à Nahanni Butte ; il faut emprunter la route de glace l’hiver, prendre un bateau l’été. Le village est isolé de la fin octobre aux premières semaines de décembre, rapporte Steve Vital. « Pour la débâcle, c’est environ la même période de temps, ajoute-t-il. Les prix sont raisonnables quand le pont de glace ouvre, de décembre à la fin mars. […] L’été, les prix sont encore élevés, parce que nous devons transporter nous-même la nourriture et prendre le taxi de la rivière. »
Lorsque les denrées proviennent de Fort Nelson, il faut payer le cout de la livraison jusqu’à la frontière, et ensuite de la frontière à Nahanni Butte.
M. Vital ne sait pas exactement quelle baisse de prix se concrétisera par l’intervention de Nutrition Nord durant les mois d’isolement. « J’espère que les changements seront radicaux, dit-il. Si on pouvait avoir ça toute l’année, ce serait fantastique. »
Des profits aux détaillants
Durant son mandat comme député néodémocrate des Territoires du Nord-Ouest, Dennis Bevington s’est investi en faveur d’une réforme de Nutrition Nord.
« J’ai beaucoup travaillé en 2014 et 2015 à étendre le programme dans plusieurs collectivités des TNO, rappelle-t-il, et à faire en sorte qu’elles profitent d’un financement adéquat. À Lutsel K’e par exemple, le financement était si petit qu’il était insignifiant. »
M. Bevington anticipe que les compagnies du domaine de l’alimentation profiteront de l’ajout de collectivités au programme.
« Plusieurs compagnies vont s’assurer que leur inventaire de nourriture soit à un haut niveau avant la débâcle et le gel, selon l’ex-député. Si elles font attention à comment elles transportent la nourriture et qu’elles peuvent garder leurs couts bas, elles feront des profits additionnels. Je suis sûr qu’elles doivent prendre cela en considération. »
M. Bevington fait surtout allusion au marché d’Inuvik, dont la population est plus nombreuse que celles des autres collectivités nouvellement admissibles.
Des mécanismes revus ?
Dans son rapport de 2014, le Vérificateur général du Canada avait reproché à Affaires autochtones et Développement du Nord Canada de rarement vérifier « si les détaillants du Nord transféraient aux consommateurs l’intégralité des contributions qu’ils recevaient ».
Le ministère avait accepté cette recommandation ; cependant, il n’a pas précisé à Médias ténois si des mécanismes ont été mis en place pour faire ces vérifications.
Lorsqu’il siégeait comme député, M. Bevington avait proposé d’abolir les subventions aux détaillants et de donner une carte magnétique aux résidents du Nord. « Un peu comme aux États-Unis, précise l’ex-député. […] Une carte remplie chaque mois avec un certain nombre de dollars valide pour la section des aliments de santé. J’ai proposé cette solution, mais il [le gouvernement conservateur] n’était pas intéressé. »
Malgré ces bémols, Dennis Bevington croit que les consommateurs des collectivités nouvellement admises bénéficieront de l’entrée en vigueur du programme.
« Nous devons évaluer quelle différence cela fera, nuance-t-il ; je présume que le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest fera des évaluations. »
« Nous sommes heureux de voir et encourageons tous les efforts déployés pour offrir un accès plus complet à la nourriture dans les communautés nordiques du Canada, écrit Danielle Lalonde, directrice des communications de Banques alimentaires Canada. Cela dit, le programme Nutrition Nord n’a pas connu le succès que nous espérions depuis sa mise en œuvre. […] Nous encourageons le gouvernement à examiner pourquoi le programme n’a pas encore eu l’impact voulu, et à développer de nouvelles stratégies pour concrétiser la sécurité alimentaire. »