Il faut la collaboration d’Ottawa et la modernisation du cadre règlementaire minier ténois pour faciliter la mise en service de la prochaine génération de mines nordiques. C’est ce que préconise la Chambre des mines des Territoires du Nord-Ouest et du Nunavut, qui a accueilli favorablement les récentes mesures du gouvernement des TNO pour soutenir l’industrie diamantifère locale, mais soutient que ces démarches doivent s’inscrire dans une stratégie plus vaste. « Nous n’avons pas, dans le Nord, le même niveau d’investissement que dans le Sud », déplore la directrice générale de la Chambre, Karen Costello. « C’est le temps de combler le fossé […] parce que les ressources potentielles du Nord sont suffisantes pour être un moteur économique pour le Canada. »
Alors que deux des trois mines de diamants en opération des TNO – et donc du Canada –, Diavik et Gahcho Kué, fermeront respectivement en 2026 et en 2030, la Chambre suit la progression des projets les plus avancés, ceux qui sont sujets à sécuriser du financement et se préparent à passer au processus d’autorisation.
Pine Point (zinc, plomb) pourrait ressusciter en 2028; Nico (nickel, cobalt, or, cuivre, bismuth), Prairie Creek (zinc) et Nechalacho (terres rares) pourraient suivre. Ce sont tous des projets de minéraux critiques et la plupart sont situées dans la moitié sud des TNO, observe Mme Costello. S’ajoute à cette liste le projet de lithium de Li-FT Power, dans la province de pegmatite de Yellowknife, qui progresse rapidement.

La directrice générale de la Chambre des mines des Territoires du Nord-Ouest et du Nunavut, Karen Costello.
Infrastructures et impôt
Mais un appui est souhaité. Depuis longtemps, la Chambre des mines des Territoires du Nord-Ouest et du Nunavut plaide pour la création d’un crédit d’impôt pour l’exploration minière au nord du 60e parallèle. « En reconnaissance des défis logistiques et des couts plus élevés », précise Karen Costello.
Le gouvernement canadien a déjà mis en place un programme de crédit d’impôt pour l’exploration liée aux minéraux critiques. « Malheureusement, ça n’a pas beaucoup aidé le Nord, ajoute-t-elle, parce que les gens ont regardé au Sud, où il y a un potentiel minier similaire, mais où il y a plus d’infrastructures. […] Nous avons besoin d’aide pour mettre en place des infrastructures facilitantes. […] Nous devons avoir des investissements stratégiques du fédéral et peut-être des partenariats pour les construire. »
Le premier ministre R.J. Simpson, rappelle la directrice générale, a plusieurs fois plaidé pour qu’Ottawa replace le Nord au centre de son échiquier – et de son chéquier. En mars dernier, par exemple, alors que M. Simpson liait à la sécurité de l’Arctique avec la stabilité économique et demandait des investissements soutenus dans le Nord. Plus récemment, il s’est exprimé dans une lettre ouverte argüant que « la mise en valeur de l’Arctique et du Nord doit être traitée comme une priorité nationale, et non comme une simple préoccupation régionale ».
Cadre règlementaire
La Chambre s’implique aussi dans la mise en place du cadre règlementaire associé à la Loi sur les ressources naturelles, adoptée en 2019.
« Un des éléments est qu’il faut des règlementations qui ne créent pas d’entrave à l’attraction d’investissement, plaide Mme Costello. […] Nous ne demandons pas que ce soit relâchées les études environnementales. Nous demandons seulement des processus responsables et prévisibles pour le développement, et que soit reconnu le régime de cogestion déjà établi sous Loi sur la gestion des ressources de la vallée du Mackenzie, qui fonctionne déjà. »
Nous n’avons pas dans le Nord le niveau d’investissement qu’il y a dans le Sud. C’est le temps de combler le fossé […] parce que les ressources potentielles du Nord sont suffisantes pour être un moteur économique pour le Canada.
Pour que rebrillent les diamants
Les mesures mises en place pour favoriser l’industrie diamantaire locale arrivent alors que celle-ci est en déclin au Canada. La seule autre mine qui était opérationnelle, la mine Renard, dans le Nord du Québec, est tombée sous la Loi de la faillite.
Géologue spécialisé dans l’or et le diamant travaillant pour la firme SRK consulting, Casey Hetman, affirme que l’industrie du diamant canadienne peut retrouver une erre d’aller.
« Nous avons beaucoup de régions éloignées qui ont un potentiel géologique incroyable, mais c’est difficile et dispendieux d’y accéder, dit-il. […] Les dépôts primaires de diamants sont situés dans la partie centrale du craton, dans le Bouclier canadien, qui s’étend à partir de l’Ontario, du Manitoba et du Québec. C’est massif. Ce ne sont pas que des dépôts de diamants, il y a des dépôts géants de métaux, d’or. […] On a juste besoin d’argent pour les trouver. Et pour ça, il faut être réaliste, nous avons besoin d’appui et d’infrastructure pour que les compagnies d’exploration puissent aller sur le terrain. […] Il faut que le gouvernement s’implique et finance l’exploration. »
Hetman convient toutefois que, dans le passé, beaucoup d’organisations ont dépensé beaucoup de fonds publics sans livrer la marchandise. Mais le Canada est en compétition avec d’autres pays où les couts d’exploration sont moins élevés.
Clés du succès
Casey Hetman avance d’autres clés pour le succès :
« Les diamants synthétiques ont des impacts sur les communautés, concède-t-il. […] Nous devons nous concentrer sur les mines qui ont des diamants de haute qualité. Ce sont ces mines à travers le monde qui fonctionnent bien. »
Il ajoute qu’une industrie de diamants prospère repose sur la présence d’un éventail de projets simultanés à différentes étapes de réalisation, et d’une variété de compagnies se spécialisant dans différents secteurs d’activités minières. « On n’a pas ça actuellement au Canada », déplore-t-il.
Dans une entrevue accordée à Canadian Mining Journal, le géologue souligne les rôles d’un système règlementaire plus rapide, de l’innovation technologique pour réduire les couts et des dynamiques du marché