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le Vendredi 30 septembre 2005 0:00 Éditorial

Où commence le traditionnel?

Où commence le traditionnel?
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En lisant l’article de la page 12 traitant de l’alphabet syllabique, j’ai sursauté en lisant le qualificatif de traditionnel attaché à cette notion. Il faut savoir d’où provient cet alphabet. Selon une version, ce serait James Evans, un missionnaire méthodiste, qui aurait introduit dans les années 1800 cet alphabet auprès des Cris de la Baie James dans le but d’enseigner la Bible. Cet alphabet qui fut ensuite adopté par les Inuit de l’Est du pays. Ailleurs, en Alaska, aux TNO et au Groenland, les Inuit écrivent en alphabet roman. Malgré tout, quand on parle de l’alphabet syllabique, on fait parfois mention de l’alphabet traditionnel de certaines populations inuits et cries. Après tout, quand ça fait plus de 150 ans qu’un usage est généralisé…

Est-ce que l’utilisation de l’adjectif «traditionnel» est galvaudé? Voici quelques exemples communs.

Ça fait maintenant près d’un demi-siècle que la motoneige, le moteur hors-bord et la camionnette ont remplacé les modes de transports traditionnels des peuples autochtones. Encore combien d’année avant qu’on puisse dire que la motoneige est un mode de transport traditionnel des inuits?

Les armes à feu ont fait leur apparition en même temps que les premiers postes de traite, soit bien avant que le syllabique ne leur soit enseigné. La carabine a-t-elle maintenant le même statut d’outil de chasse traditionnel que l’arc et le harpon?

On peut aussi parler, évidemment, de l’introduction de la farine pour le pan bannique, des légumineuses (carottes, patates et navets) pour les ragoûts.

Il y a moins d’un demi-siècle, la télévision fit son entrée dans les foyers autochtones. De nos jours, il y a nettement plus d’Autochtones qui savent comment fonctionne une télécommande due l’art de taper sur un tambour? La télé, loisir traditionnel autochtone?

Chaque année, plus de mortalités sont attribuables aux accidents de la route qu’aux attaques de chiens de traîneaux chez les autochtones. Nombreux sont les Autochtones qui vont cependant préférer la «sécurité» de leur camionnette à la perspective de faire face à un chien en liberté.

Bref, les exemples sont multiples des emprunts des premières nations aux us et coutumes des colonisateurs. Finalement, on peut penser que les capacités d’adaptation des peuples autochtones rendent un peu inappropriée l’utilisation de qualificatif comme «traditionnel» puisque leur culture est en plein évolution.