La possibilité évoquée par BHP Billiton de recourir à des briseurs de grèves en cas de débrayage de ses employés de la mine Ekati est des plus bouleversantes. Pour ceux et celles qui habitaient Yellowknife en 1992, on ne peut s’empêcher de se remémorer les tristes événements de la mine Giant.
Les possibilités qu’un tel événement se reproduise sont cependant minimes. Très rares sont les cas où un conflit industriel conduit à un homicide multiple. D’un autre côté, il existe de nombreux cas où l’embauche de briseurs de grève a conduit à des gestes de violence, que ce soit sur les lignes de piquetage où ailleurs dans les communautés. En cas de grève, les esprits s’échauffent, les opinions se figent et la rancune devient quotidienne. Lorsqu’on ajoute à cela des briseurs de grève, on se retrouve avec un cocktail des plus explosifs.
De plus, l’utilisation de scabs peut avoir des conséquences à plus long terme. C’est un fait aisément observable dans le monde des relations de travail : lorsque des mauvaises relations s’établissent, cela prend souvent plusieurs années avant que l’harmonie ne revienne. Même si les médias font grand cas des grèves, il faut savoir que la très grande majorité des conventions collectives sont signées sans que les employés ou les employeurs ne recourent à un arrêt de travail. Ce sont plus de neuf conventions collectives sur 10 qui se signent sans recours à la grève ou au lock-out.
C’est donc dire que le recours à la grève ou au lock-out est très peu fréquent. Par contre, il faut aussi savoir que les groupes qui recourent à des arrêts de travail sont souvent les mêmes. Une partie de l’explication de ce phénomène est que les effets secondaires d’une grève (notamment la méfiance et la rancœur) prennent plusieurs années avant de se résorber, souvent plus longtemps que la durée de la convention collective. Il est fréquent de voir un employeur et ses employés se retrouver à plusieurs reprises en conflit de travail au fil des ans.
Le recours à des briseurs de grève est un facteur qui vient augmenter ces effets secondaires négatifs d’une grève : encore plus de rancœur et de méfiance mutuelle. La décision d’aller en grève est une décision lourde de conséquences. Celle de recourir à des briseurs de grève, au lieu d’aider, vient envenimer une situation déjà très mauvaise. Ce n’est pas une décision à prendre à la légère.