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le Vendredi 29 septembre 2006 0:00 Éditorial

Le sabotage continue

Le sabotage continue
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En moins d’un an, le gouvernement conservateur minoritaire de Stephen Harper aura bien saboté ce pays dans son effort d’américanisation de notre société. Ça a tout d’abord été l’abolition du programme d’enregistrement des armes à feu. Nos John Wayne canadiens se sont réjouis. Par la suite, le gouvernement a décidé que l’armée canadienne allait jouer un rôle moins neutre dans son implication au sein de conflits armés dans le monde, aux côtés de troupes de l’oncle Sam, il va sans dire. Là encore, nos John Wayne ont été satisfaits; c’est bien beau d’avoir des armes à feu, encore faut-il pouvoir tirer sur quelqu’un, pas blanc de préférence. Maintenant, le gouvernement annonce des coupures importantes dans des programmes qu’il juge désuets ou sans importance. Je ne sais pas encore ce que nos John Wayne en retirent, mais je sais que nos Jos Bleau vont bientôt y goûter.

Un désengagement financier annoncé par le gouvernement aura un impact majeur sur les Canadiens notamment les minorités linguistiques. Il s’agit de l’élimination du Programme de contestation judiciaire. Depuis le volte-face des réformistes-alliancistes sur la question de la dualité linguistique lors de la création du parti conservateur, je me demandais comment ces anti-francophones allaient s’y prendre pour nous passer au batte. Finalement, je n’avais pas à gratter la nouvelle peinture pour voir la vraie couleur de ces troupes conservatrices, je n’avais qu’à attendre qu’elle s’écaille d’elle-même.

Mais qu’est-ce que ce programme a de si important?

Ce programme permet aux minorités canadiennes de faire valoir leurs droits, pas seulement les minorités linguistiques mais bien toutes les minorités qui se sentent brimées dans leurs droits constitutionnels. Pour les francophones, le programme constituait un outil de premier plan pour mousser leurs revendications. Que ce soit ailleurs au Canada, comme en Ontario dans la bataille pour préserver l’Hôpital Montfort, ou ici aux TNO pour obtenir des écoles, la gestion scolaire et des services en français, le Programme de contestation judiciaire servait souvent de police d’assurance.

Dans les multiples tractations entre les groupes minoritaires et les gouvernements, la première phase en est toujours une de négociation. On essaie de convaincre le gouvernement d’un problème, de le sensibiliser à nos préoccupations mais quand ça ne débloque pas, qu’on se frappe à un mur, le Programme constitue notre police d’assurance. Il s’agit souvent de simplement mentionner cette option légale pour faire bouger les choses. Ça a été le cas dans l’obtention de la gestion scolaire aux TNO. Dans le dossier des services en français, après 15 ans d’attente, le Programme a permis de responsabiliser le gouvernement territorial de façon éclatante.

Il est important d’indiquer que ces coupures annoncées ne constituent pas simplement un exercice de redressement budgétaire mais bien un énoncé idéologique qui correspond à une vision réformiste/allianciste de notre pays. Les coupures dans le programme de contestation judiciaire, dans le programme de soutien au bénévolat, dans le programme de partenariat pour le développement social, dans les programmes de Conditions féminines et de l’alphabétisation pourraient avoir un impact sévère sur le tissu social canadien et des actions énergiques sont nécessaires. Il faudra que nos institutions francophones se lancent dans un intense exercice de lobbying auprès des autres partis politiques canadiens. Dans les prochains jours ou les prochaines semaines, il faut qu’on ait des engagements fermes de ces partis de réinstaurer ces programmes immédiatement quitte à défaire le gouvernement Harper. Des engagements qui vont certes nous précipiter immédiatement en période électorale fédérale, mais qui vont au moins permettre de présenter un front commun solide face à cette attaque contre certaines valeurs fondamentales canadiennes.