S’il y a bien quelque chose que la visite de Stephen Harper dans les territoires nordiques a pu mettre en lumière, c’est l’ignorance chronique qu’entretient le Canada du « Sud » quant au Nord. Surtout ses médias. J’écris cet édito alors que le périple du premier ministre n’est qu’à moitié achevé et déjà le concert d’inepties prend des proportions de vacarme.
Tout d’abord, on ne cesse de lire que Stephen Harper fait une tournée « dans l’Arctique ». L’Arctique? Vraiment? Selon l’itinéraire officiel, le premier ministre s’arrête à Iqaluit, Pangnirtung, Yellowknife et Whitehorse. Toutes ces localités sont situées au sud du 66e parallèle qui délimite le cercle Arctique. C’est une visite dans les territoires qu’a effectuée Harper. En Arctique, nenni!
Ensuite vient cette drôle d’histoire de la juste épellation du nom « Iqaluit » qui, en 24 heures, a fait le tour de la planète. Le blogueur nunavummiut (http://titiraqti.wordpress.com)qui a le premier noté la bourde du bureau du premier ministre a vu l’achalandage de son site monter en flèche… On a vite su qu’à peu près tous les grands médias canadiens avaient, eux aussi, au moins une fois écrit le nom de la capitale nunavoise avec un « u » de trop. On s’en souviendra la prochaine fois qu’on parlera de Tauronto ou de Monréal. On se demande ce que ce serait si Stephen Harper allait se faire photographier à Tsiigehtchic ou à Ulukhaktok, de véritables communautés arctiques, celles-là.
Mais ce qui frappe surtout, c’est cette capacité étonnante des médias nationaux à gober la version officielle sans la questionner. Ainsi, à peu près tous les réseaux ont repris cette déclaration du premier ministre voulant que l’établissement d’une agence de développement économique pour la région du Nord allait mette fin à « l’ère du paternalisme bienveillant », et pas un n’a relevé qu’au contraire le paternalisme venait d’être souligné au crayon rouge. Comme chacune des annonces des conservateurs concernant le Nord, la décision a été prise sans consultation et au mépris des demandes des gouvernements territoriaux qui, bien plus que des agences, réclament des routes et des infrastructures civiles utiles. Et tout ça, bien sûr, sans jamais une fois prononcer le mot « dévolution », la véritable solution au paternalisme d’Ottawa.
Si l’on tient tant que ça à assurer une présence nationale dans le Nord, il serait peut-être temps que Radio-Canada, La Presse, le Globe and Mail et consorts y établissent des bureaux. On pourrait peut-être commencer à faire le vrai débat.