Charlie Delorme faisait partie du paysage urbain de Yellowknife depuis mon arrivée. Son corps ravagé par le temps et les abus, il déambulait lentement dans les rues de Yellowknife pour vaquer à je ne sais quelles occupations. À l’occasion, je fouillais dans mes poches pour y trouver de la monnaie afin d’aider cette personne qu’on percevait à juste titre comme une « bonne personne ».
Plus d’une personne le connaissaient par son prénom. Connaissez-vous le nom de beaucoup de ces sans-abris qui circulent dans nos rues? Je connaissais le prénom de Charlie, tout comme nos petits-enfants le connaissaient aussi. Charlie était maintenant sorti de la rue et n’était plus un sans-abri. Je me souviens même de l’avoir vu dans un de ses petits boulots, à promener des chiens, ses amis qui l’aimaient fidèlement et sans restriction de race ou de statut.
Puis un jour, Charlie a étonné tout le monde de façon spectaculaire. Cet automne, il a reçu son dédommagement financier pour les sévices vécus dans les écoles résidentielles. Charlie, l’ancien paumé, l’ancien sans-abri, le « quêteux de change », un homme sans fortune et à l’avenir incertain, remettait un don de 2000 $ à Sidedoor, un centre pour les jeunes, de 5000 $ à l’Armée du salut et de 10 000 $ à la Fondation de l’hôpital Stanton.
À l’exception de son prénom, je ne connaissais pas vraiment Charlie. Je crois que c’est probablement son petit sourire en coin, que j’aie ou non de la monnaie dans mes poches, qui démarquait Charlie. Je ne crois pas que ce soit par hasard que le seul sans-abri que je voyais approcher avec plaisir soit aussi celui qui allait étonner une ville en entier.
Les 17 000 $ qu’il a offerts en don ne représentent probablement que la pointe de l’iceberg. Selon tous les témoignages entendus, il a certainement aussi été généreux avec ses amis. Plus que de l’étonnement, Charlie nous aura touchés profondément par son geste. En fait, je crois qu’il s’agit d’un geste marquant dont je me souviendrai toujours et qui maintenant me pousse à laisser tomber quelques larmes. Il y a des choses qui se produisent dans nos vies et qui sont porteuses d’espoir. Dans mon palmarès personnel des gestes porteurs d’espoir, le geste de Charlie figure parmi mon top, pas très loin de la chute du mur de Berlin.
Charlie est maintenant parti, mais on va encore en parler dans des dizaines d’années. C’est ça, un être marquant. C’est ça, un geste touchant.
Éditorial Un être qui étonne, touche et nous emplit d’espoir
Éditorial Un être qui étonne, touche et nous emplit d’espoir
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