Alors que ces lignes sont écrites, les Canadiens retiennent leur souffle après un discours du Trône qui pourrait précipiter des élections sur fond de pandémie. Au Nouveau-Brunswick, on a déjà connu ce gambit; en Colombie-Britannique, on s’y prépare.
Aux Territoires du Nord-Ouest, notre modèle parlementaire prévisible nous prémunit ordinairement contre de telles tensions. Les bouleversements qu’a occasionnés la COVID-19 ont néanmoins ravivé l’éternel débat sur nos institutions démocratiques. Un gouvernement dirigé par un parti politique, plutôt que par un conseil exécutif désigné au vote des députés, aurait-il plus de poigne sur la haute fonction publique pour coordonner la réponse à la pandémie et activer la relance économique ? Et, dans le cas d’une gestion insatisfaisante de la crise, comment sanctionner un tel gouvernement lors du prochain rendez-vous démocratique ?
Dans son rapport sur les dernières élections territoriales, la directrice générale des élections suggère d’ailleurs des réformes importantes à notre mode de scrutin pour le rendre plus responsable auprès des électeurs, notamment l’élection du premier ministre par l’ensemble des électeurs et l’instauration d’une formule de rappel pour révoquer l’office d’un député qui aurait perdu la confiance de ses commettants. Ces mécanismes amélioreraient sans aucun doute la confiance des citoyens envers nos institutions, boudées par un électeur sur deux en 2019.
Ce n’est pas d’hier que notre modèle dit « de consensus » (une appellation trompeuse, puisqu’on y prend les décisions à la majorité simple) essuie les critiques de ceux qui préfèrent une politique de confrontation, comme elle s’exécute dans les provinces du Sud. L’argument en faveur de la politique partisane veut que ce modèle permette aux électeurs de savoir ce pour quoi ils votent. Dans la pratique, cependant, cette promesse est vite brisée. Comme on l’a souvent vu au fédéral, une fois élu, un gouvernement n’est plus tenu de mettre en œuvre ses engagements de campagne électorale.
La réalité, c’est que d’opposer le modèle de consensus à la politique partisane est un faux dilemme. Il existe une infinité de modèles de gouvernance et de représentation politique. Les deux variantes du modèle de Westminster, qu’on nous présente souvent, à tort, comme nos seules options, sont loin d’être les formules les plus élégantes que nous pourrions envisager.
Depuis la première Assemblée entièrement élue aux TNO, en 1980, l’organisation politique de notre société a grandement évolué. Des gouvernements autonomes autochtones ont été formés. Les TNO d’aujourd’hui sont une société plurinationale. Cet état de fait n’est nullement reflété dans notre modèle parlementaire qui se trouve, trop souvent, en conflit avec les Premières Nations. Par ailleurs, les groupes minoritaires continuent de n’avoir peu ou pas de représentation à l’Assemblée législative. L’adoption du modèle partisan du Sud ne règlerait pas ces déficits démocratiques.
S’il est nécessaire de repenser la façon dont s’exerce la vie citoyenne aux TNO, il importe que cette réflexion soit la plus large et la plus ouverte possible. Débarrassons-nous de nos ornières.