le Mardi 6 mai 2025
le Jeudi 29 octobre 2020 18:35 | mis à jour le 20 mars 2025 10:40 Éditorial

Éditorial La ritournelle

Éditorial La ritournelle
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Tous les cinq ans, l’Assemblée législative procède à l’examen de la Loi sur les langues officielles des Territoires du Nord-Ouest. Alors que les trois administrations qui se sont livrées à l’exercice avant eux n’ont pas livré la marchandise, le groupe actuel semble prêt à suggérer des changements à la législation.

Avec l’examen de la Loi, revient l’inévitable indignation des groupes autochtones face au traitement inéquitable de leurs langues. L’air est connu, le français serait le chouchou du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, alors que les langues autochtones, parfois au bord de l’extinction, n’ont pas droit aux mêmes services.

Cette frustration légitime a été évoquée cette semaine par la députée d’Inuvik Twin Lakes, Lesa Semmler, lors de la période de questions orales. La députée d’origine inuvialuite a déploré qu’en application des normes et pratiques de communication du gouvernement territorial, on exige des employés autochtones qu’ils répondent au téléphone par la formule « Hello, Bonjour ! », une demande humiliante, selon elle.

Il était rafraichissant d’entendre le ministre Simpson répondre que l’adoption de normes en matière d’offre active de services en français ne retire pas de droit aux locuteurs des autres langues minoritaires du territoire et que les employés de la fonction publique qui le souhaitent sont encouragés à ajouter la salutation de leur langue à la formule. L’époque où le gouvernement des TNO préférait antagoniser les groupes linguistiques pour s’éviter de mettre en œuvre la Loi semble enfin s’étioler.

Les préjugés, cependant, sont tenaces et il ne faut pas se surprendre si l’on continue de présenter les services en français comme des affronts aux langues autochtones. Leurs observations se trompent peut-être de cible, mais les Autochtones ont parfaitement raison de dénoncer les écarts. C’est en invoquant cette différence de ressources que la plupart des gains récents — et cruciaux ! — des groupes linguistiques autochtones ont été obtenus. Depuis 2017, le budget du gouvernement des TNO pour les langues autochtones est supérieur à celui consacré au français.

Or, en ces temps de changements de paradigme, il pourrait être opportun pour les communautés linguistiques autochtones d’oser regarder l’éléphant dans la pièce et de mettre à jour le vieil argument. En ce moment, quand le gouvernement des TNO dépense un dollar, un sou de ce dollar est consacré à la prestation de services dans les dix langues minoritaires officielles. Les 99 cents qui restent sont dépensés en anglais. Il y a bien une de nos onze langues qui semble plus officielle que les autres, mais il ne s’agit pas du français.

C’est le temps de changer la ritournelle. Plutôt que de regarder avec envie les gains misérables arrachés par les francophones en pestant « Ils ont les plus grosses miettes ! », il serait plus juste que les Autochtones réclament qu’on leur serve l’assiette.

Une version remaniée de la Loi sur les langues officielles devrait placer toutes nos langues sur le même pied d’égalité. Nous avons hâte au jour où il sera normal qu’on nous accueille avec un « Dàts’eh?i?, Bonjour ! ».