Lorsqu’on l’a questionnée sur l’apparente iniquité que créaient les nouvelles règles concernant l’auto-isolement des personnes rentrant aux Territoires du Nord-Ouest, la première ministre, Caroline Cochrane, s’est rebiffée. « Personne n’est pénalisé, a-t-elle dit. Les règles sont les mêmes pour tout le monde. »
Cette idée selon laquelle appliquer des règles mur à mur produit un résultat équitable est une méprise commune. Ce qui est égal n’est pas nécessairement équitable. Si l’on souhaitait déterminer lequel des animaux des TNO est le plus valeureux, faire se mesurer le touladi, le lagopède et le lynx dans une même compétition de course à pied ne produirait pas de résultats très probants. De même, imposer des règles uniques à des citoyens aux circonstances et aux conditions différentes ne revient pas à les traiter équitablement.
Dans les faits, en cessant de défrayer, à compter du 5 janvier, les couts d’isolement de tous les résidents des TNO dont le déplacement à l’extérieur n’est pas considéré essentiel, le gouvernement crée un régime où certains citoyens auront la liberté de voyager et d’autres pas. Quoi qu’en dise la première ministre, les personnes qui résident hors des centres régionaux, dans des collectivités où l’isolement à la maison est interdit, sont évidemment pénalisées par les nouvelles règles.
La mobilité est une caractéristique clé de la main-d’œuvre aux Territoires du Nord-Ouest. Pour les employeurs, il est commun de recruter du personnel à l’extérieur du territoire. Avec les nouvelles règles, si les frais liés à l’auto-isolement sont prohibitifs, des propriétaires de PME seront contraints de retarder l’embauche de personnel. Une large part de nos résidents sont nés à l’extérieur du territoire et, pour de nombreux Ténois, le fait de pouvoir se déplacer, aller visiter leur famille dans le Sud, compte pour beaucoup dans leur décision de s’établir ici. Et la mobilité, ça fonctionne dans les deux sens. Les pertes d’emplois provoquées par les mesures de santé publique — dans le secteur du tourisme, notamment — ont déjà convaincu plusieurs travailleurs de déménager.
Par ailleurs, se loger coute cher dans le Nord. Pour une large part de notre main-d’œuvre jeune et mobile, la colocation est nécessaire. Ces Ténois ne peuvent pas s’isoler à la maison aussi facilement que ceux qui résident seul ou dans des résidences unifamiliales. Alors que l’isolement à la maison est parfaitement envisageable pour les familles qui résident dans les centres régionaux, la donne est différente pour les résidents des petites collectivités et pour ceux qui vivent en colocation.
Nous comprenons, bien sûr, que l’État souhaite nous dissuader de sortir du territoire, et nous nous joignons à nos autorités en recommandant à tous de ne pas voyager tant que cette pandémie sévira. Mais si l’intention était de freiner le va-et-vient à la frontière, la première ministre pourrait avoir le courage de le dire plutôt que de se réfugier derrière une excuse d’équité factice.