le Samedi 3 mai 2025
le Jeudi 8 juillet 2021 17:18 | mis à jour le 20 mars 2025 10:41 Éditorial

L’appropriation politique de l’émotivité

L’appropriation politique de l’émotivité
00:00 00:00

Nous vivons dans des temps douloureux. La découverte de fosses communes près des pensionnats autochtones de Kamloops, Marieval et Cranbrook a soulevé émotions, douleur, ressentiment, cauchemars chez les Nations autochtones, mais aussi chez les allochtones. Et ces « découvertes » ne représentent que la pointe de l’iceberg. Mais peut-on dire que cette vague suscite une surprise dans la classe politique ? En effet, depuis combien d’années se préparait-on dans les officines d’Ottawa et des capitales provinciales et territoriales à faire face à ce tsunami de douleur et de peine ? Les pensionnats existaient jusqu’à tout récemment (les années 90). Les rapports de commissions d’enquête avaient été déposés (la Commission de vérité et réconciliation, dépôt du rapport en 2015 ; la Commission royale sur les peuples autochtones, dépôt du rapport en 1996, pour ne nommer que ces deux-là). Les experts et divers anthropologues/sociologues/historiens officiels n’avaient certes pas chômé, tout en restant dans l’ombre et le brouillard institutionnel.

La marche du 1er juillet dernier dans les rues de Yellowknife est justifiée au centuple. Tout comme toutes celles qui ont parsemé le pays d’un océan à l’autre à l’autre. Mais il faut dépasser le niveau purement émotif. Car dans les mains de manipulateurs professionnels de la trempe de Justin Trudeau et compagnie, pareille émotion est hautement monnayable. Déjà, moins d’une semaine après cette journée de manifestations, il passe à l’attaque avec la nomination de la Gouverneure générale, Mary Simon, une inuk née à Kangiqsualujjuaq au Nunavik, ne parlant pas un traitre mot de français, ayant gravi les échelons de la politicaillerie avec son bilinguisme anglais et inuktitut. Autochtone, oui, certes, et bienvenue ; mais pourquoi opposer autochtonie et francophonie ? Diviser pour mieux régner ? N’y avait-il pas d’autres candidat.e.s à ce poste qui, en plus de leur langue d’origine, parlaient couramment le français et l’anglais ?

On le sait fort bien, le Canada se dirige vers des élections fédérales à l’automne. Le premier ministre a fait le choix de miser sur les femmes et les autochtones, ignorant les prétentions francophones à une égalité constitutionnelle. Comme son père, il méprise le fait français comme réelle légitimité au pays. Le politically correct, le wokisme néolibéral, la mentalité aculturelle qui prévaut chez les décérébrés des téléphones intelligents. Bienvenue au Canada 2.0. Il vaudrait mieux transposer la lutte dans l’arène judiciaire, pour revendiquer légalement les réparations dues auprès des divers paliers de gouvernement et des communautés religieuses. Se battre selon l’esprit de la loi pour améliorer les conditions de vie de toutes les communautés autochtones partout au pays. Toute revendication sous le signe de l’émotion a tendance à s’effriter, à se laisser dévier. Alors que lorsqu’elle s’exprime sous la logique légale, elle finit par vaincre et porter ses fruits.