« Quand le sage montre la lune, l’idiot regarde le doigt », dit l’adage attribué à Lao Tseu… Si par « la lune » on entend ici une cérémonie de copinage américanocentrée entre gens de la « haute société », alors le reste de l’adage y a bien sa place. Du reste, ce n’est pas simplement le doigt qui est observé, mais toute la main.

Tous les moyens sont bons pour « partager » la dernière cocasserie hollywoodienne. Ce sont des dizaines de milliers de gens qui ont relayé cette information, tantôt dans un discours socialement engagé, tantôt dans un simple dessein humoristique.

Puisqu’il semble si important pour tant de monde d’en parler, parlons-en.

Dans un effort apparent de défendre l’honneur de sa femme, moquée d’une blague de mauvais gout par un célèbre humoriste, un acteur, lui aussi célèbre, monte sur scène et interrompt le discours de x collègue d’une bonne gifle.

Entre l’image d’une masculinité se voulant obsolète et cherchant à être déconstruite depuis des décennies – cette masculinité qui ne trouve la restauration de l’honneur que dans la violence – et la foule divertie ; c’est également un système hypocrite et d’une vanité affligeante qui se met en scène.

Il n’y a pas assez de quelques centaines de mots pour interpréter ce qui traduit la bêtise humaine.

La bêtise, d’une part, qu’un évènement aussi vaniteux que la cérémonie des Oscars soit l’objet d’autant de partage, alors que ces mêmes gens qui en relaient l’information se pressent de laisser tomber leurs nobles causes pour celle-ci.

D’autre part, qu’un acteur, Will Smith pour ne pas le nommer, se permette un acte aussi irréfléchi, lui qui se veut le modèle et l’inspiration de tant de jeunes, prônant la paix, la bienveillance, et d’autres discours similaires.

L’acteur, très présent sur la toile, avec, sur YouTube, presque 10 millions d’abonnés, qui représentent quatre fois moins que le cachet de son dernier film si l’on convertit chaque abonné en un dollar américain, montre que tout est permis ou pardonnable si l’on a de l’argent. « La fortune sourit aux audacieux » ou « le sourire audacieux des fortunés » ?

Les répercussions des actes insouciants ne s’observeront pas sur leurs instigateurs, mais sur ceux qu’ils représentent et pensent défendre, femmes, hommes, ou tout simplement minorités, qui se verront malhonnêtement attribués ce comportement « inédit », renforçant ainsi les stéréotypes envers eux, et ce, d’un coup de main.