le Jeudi 1 mai 2025
le Jeudi 7 avril 2022 15:29 | mis à jour le 20 mars 2025 10:41 Éditorial

« Ne comparez pas l’incomparable ! »

« Ne comparez pas l’incomparable ! »
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Voici le nouvel outil rhétorique qui constitue un véritable pare-feu pour ceux qui souhaitent jouir du droit de réprimander sans être eux-mêmes réprimandés. Toute âme consciencieuse reconnait que l’intrusion russe sur le territoire ukrainien représente une véritable tragédie.

Outre le bilan humain déjà désastreux, la simple idée qu’une puissance nucléaire puisse se permettre de passer outre la souveraineté d’un pays reconnu par la communauté internationale suffit à nous faire douter de notre propre sécurité.

Cependant, force est de constater que l’étroitesse de notre perspective ne rend pas justice aux valeurs morales auxquelles nous prétendons adhérer en ces temps d’incertitude. N’oublions pas qu’il y a 20 ans, un scénario similaire s’est produit au Proche-Orient lorsque le gouvernement américain, en opposition radicale avec la communauté internationale, a décidé d’envahir l’Irak, l’accusant injustement de développer des armes de destruction massive.

L’audacieuse hypocrisie de Joe Biden laisse ainsi un arrière-gout amer lorsqu’il traite Vladimir Poutine de « boucher » et de « criminel de guerre » – lui qui faisait partie des 77 sénateurs qui ont autorisé l’administration Bush à déployer des forces américaines sur le territoire souverain irakien. Mais rappelons-le ! Les exactions commises par l’armée russe sont inqualifiables.

Toutefois, elles ne restent pas plus démesurées que les exactions étatsuniennes qui ont été perpétrées au nom d’intérêts purement économiques. Le drame que l’on peut constater dans la ville de Boutcha en Ukraine n’est pas sans nous rappeler les différents meurtres et les différents viols qui ont entaché la réputation des États-Unis dans le Proche-Orient. (Notons d’ailleurs qu’avant de quitter sa fonction, l’ancien président Donald J. Trump a gracié quatre soldats américains reconnus coupables d’avoir tué des civils et violé des mineures en Irak.)

Au nom de nos valeurs morales, il nous faut impérativement nous questionner sur les raisons qui expliquent que certains crimes paraissent plus abjects que d’autres ; que certaines vies paraissent plus importantes que d’autres. Un questionnement auquel beaucoup refusent catégoriquement de se soumettre.

Mais surtout, par pitié, ne comparez pas l’incomparable… au risque de vous éveiller.