Les associations de parents francophones pourraient vendre aux conjoints anglophones des familles exogames l’éducation en langue française.
Alors que les communautés de langue minoritaire ont souvent fait un pied de nez aux familles exogames, la tendance pourrait changer. C’est sous les traits d’un petit livre destiné aux conjoints anglophones des familles exogames que se matérialise une nouvelle approche qui valorise, auprès de ces familles, l’éducation en langue française. Le concepteur d’I’m with you, Glen Taylor, est bien placé pour en parler. Lui-même anglophone et francophile, il chemine avec ses enfants dans les dédales de l’éducation en français, s’arrêtant en chemin dans les réunions de parents et de la Commission scolaire. Il affirme que le nombre de familles exogames est à la hausse, ce qui doit obliger les communautés francophones à réagir. « Selon des études, plus le taux d’exogamie est élevé, moins il y a d’enfants qui apprennent le français à la maison et qui fréquentent l’école francophone », mentionne-t-il. « Je voulais au moins ouvrir une porte, car c’est une lacune partout au Canada. »
En effet, comment comprendre les devoirs du petit dernier et les récentes décisions de la Commission scolaire si tout se déroule en français, une langue que plusieurs ayants droit ne maîtrisent pas. La trésorière de l’Association des parents francophones de Yellowknife (APFY), Nathalie Godin, a assisté dernièrement à une rencontre de la Commission nationale des parents francophones, qui s’est tenue à Vancouver, au cours de laquelle la trousse I’m with you a été officiellement lancée. Aux T.N.-O. comme partout au pays, plusieurs familles exogames hésitent toujours à envoyer leurs enfants à l’école francophone. Pour répondre à cette demande, l’APFY pourrait, au cours de l’année, présenter la trousse I’m with you aux familles exogames de Yellowknife. Pour l’organisme, cette approche ferait augmenter le nombre d’inscriptions à l’école francophone. « Les couples exogames ne voient pas tous les bénéfices que l’école francophone pourrait apporter à leurs enfants. S’ils comprennent mieux, ils vont embarquer avec nous », a indiqué Nathalie Godin.
La trousse, rédigée en anglais, rassemble une foule d’informations sur l’éducation en français, le déroulement, les avantages dont bénéficie l’enfant, la dynamique des communautés francophones et même des données sur la francophonie mondiale. L’auteur s’est basé sur le travail de plusieurs spécialistes, dont Rodrigue Landry, un chercheur dont les travaux sont largement utilisés par les communautés francophones hors Québec. « On a cité des études pour vraiment avoir des assises solides. Ça rassure aussi les parents », explique Glen Taylor, un Albertain, qui a consulté près d’une centaine de parents de familles exogames albertaines avant de rédiger son guide. « Les francophones craignent que leurs enfants ne retiennent pas la culture, alors que les anglophones ont peur que les enfants ne maîtrisent pas la langue. » Deux langues, deux approches, voilà ce qu’a constaté l’auteur, qui a vendu, à travers son guide, l’éducation francophone comme étant une valeur ajoutée. « Les élèves apprennent tout le curriculum de leur territoire ou de leur province, mais en plus, ils sont entièrement bilingues et biculturels, alors c’est une richesse incroyable. »
Le dossier est encore tout fraîchement déposé sur les bureaux des associations locales de parents francophones des T.N.-O., mais la volonté est palpable. Nadia Laquerre, du Regroupement des Parents Francophones, estime que les parents anglophones ne sont pas assez invités à participer à l’éducation francophone de leurs enfants. « Toutes les réunions sont en français. Ce n’est pas parce que tu ne comprends pas la langue que tu dois nécessairement être exclu. » Nathalie Godin estime que le conjoint anglophone peut aussi transmettre la culture et la langue à son enfant. « La clef de la réussite, c’est un parent convaincu qui convainc son enfant. »
L’APFY ne rejette pas l’idée de recréer ce qui se fait déjà ailleurs, soit de créer deux sous-comités de parents, l’un anglophone, l’autre francophone. « Il faut en discuter », indique la trésorière. « Un parent, bien souvent, veut comprendre ce qui se passe autour de l’éducation de son enfant », affirme Nadia Laquerre.
La trousse, qui a été conçue par la Fédération des parents francophones de l’Alberta, a été envoyée à travers le pays. La Colombie-Britannique a déjà affirmé son intention d’en vendre 500 copies sur son territoire.