Formatrice d’enseignants à la Haute école pédagogique de Zurich, ancienne enseignante en primaire et secondaire, Marie-Nicole Bossart s’est engagée dans une recherche doctorale linguistique en Suisse sur le thème des langues officielles et de l’identité. C’est dans ce cadre qu’elle a rejoint pour une période de six mois le Centre de recherche en éducation franco-ontarienne (CRÉFO). Avec la professeure Monica Heller, elle étudie les questions de plurilinguisme et d’identité. Mme Heller lui offre de visiter une communauté linguistique soit à Montréal, soit à Vancouver, soit à Hay River. L’appel du Grand Nord fait battre soudain le cœur de la doctorante. Elle arrive à l’école Boréale.
À la fois observatrice et à la disposition des enseignants pour les aider dans des activités pédagogiques, Mme Bossart découvre alors une communauté scolaire francophone en situation de minorité dans un large environnement anglophone.
« Pour moi le Canada était un pays officiellement bilingue. Je savais que les classes d’immersion existaient, car c’était le sujet de ma licence (baccalauréat) mais je ne savais pas que la question des langues était aussi politique, dit-elle. La question des ayants droit est étonnante. Je suis surprise que les gens n’aient pas le choix. » À travers les activités menées avec les enseignants et les enfants, elle a découvert la réalité d’une minorité linguistique. « Je pensais que les enfants parlaient français à la maison, mais ce n’est pas le cas, ajoute-t-elle. Cette école essaye de créer un espace francophone dans un environnement anglophone et l’équipe est très engagée à ce niveau. » Mme Bossart compare cette communauté à des « pionniers » de la francophonie.
La comparaison s’arrête là et n’atteint pas les niveaux de linguistique différents entre le Canada et la Suisse. Dans son pays, les langues sont plus nombreuses et les identités plus enracinées dans cette diversité.
La Suisse, ou Confédération helvétique est un pays formé de 26 cantons, chacun ayant la compétence de gérer l’éducation scolaire primaire et secondaire selon ses choix politiques. De par sa situation entre plusieurs nations, quatre langues coexistent. L’allemand domine au nord, le français à l’ouest, l’italien au sud et le romanche (une langue romane) vers l’est. Traditionnellement, à l’école et dès le primaire, les élèves apprennent deux langues parlées dans le pays. Mais depuis quelques années, et cette tendance va en s’amplifiant, l’anglais en tant que première langue étrangère s’impose au détriment des autres langues parlées en Suisse, que les élèves d’un canton apprenaient habituellement. Cette émergence de l’anglais, en passe de devenir la première langue étrangère apprise, risque de modifier les empreintes socio-culturelles que détenaient les langues coexistantes nationales. « La langue a une influence sur l’identité, affirme Mme Bossart. J’avais un ami qui parlait anglais et allemand et, selon la langue, le ton de sa voix était modifié. Comment les élèves vivent la question de la langue et de l’identité ? Je ne sais pas encore. »
