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le Jeudi 20 janvier 2011 18:19 Éducation

CSF TNO c. P.G. TNO Le grand fossé

CSF TNO c. P.G. TNO Le grand fossé
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L’un demande deux infrastructures scolaires pouvant accueillir plus de 250 élèves chacune pour accéder à l’égalité réelle, l’autre revendique qu’aucune intervention du tribunal n’est nécessaire pour remédier à quelques carences.

Il en revient à la juge Louise Charbonneau de décider ce qui remblaiera le fossé qui sépare la Commission scolaire francophone des TNO (CSF TNO) et le gouvernement territorial. Les 12 et 13 janvier derniers, les deux parties ont déposé leurs plaidoiries finales devant la Cour suprême des TNO à Yellowknife. Sans surprise, ces arguments se placent aux deux extrémités du spectre décisionnel de la juge : la CSF TNO veut tout, le GTNO ne veut rien.

À la fin du plaidoyer de Me Lepage, l’avocat qui représente l’Association des parents ayants droit de Yellowknife (APADY) et la Commission scolaire francophone dans ces deux procès entendus depuis le 19 octobre 2010, deux projets d’ordonnance ont été proposés à la juge. Une ordonnance structurelle pour l’école Allain St-Cyr dans le dossier de l’APADY et une autre pour l’école Boréale dans le dossier de la CSF TNO. Pour l’ÉASC, les demandeurs veulent l’agrandissement de l’école actuelle pour accueillir 265 élèves, de la maternelle à la 12e année, en plus de 75 élèves à la petite enfance (50 garderie, 25 prématernelle pour les enfants de 3 et 4 ans). Pour l’école francophone de Hay River, la CSF TNO demande un agrandissement pour accueillir 195 élèves au niveau scolaire (de la maternelle à la 12e année) et 60 au niveau préscolaire. Ces deux agrandissements devront inclure une aile distincte pour le secondaire et un gymnase de plus de 500 m2. Les deux écoles devront aussi comprendre des espaces scolaires pour de nombreux besoins tels qu’un laboratoire de sciences, des espaces pour les arts de la scène, pour les arts plastiques et visuels, pour les études professionnelles et techniques (EPT), sans oublier un terrain de jeu extérieur primaire et secondaire pour l’école de Yellowknife. Selon ces deux projets d’ordonnance, les constructions devraient s’effectuer simultanément et immédiatement après la décision pour être complétées dans un délai de 18 mois. Ces ordonnances mentionnent également des dépens et des dommages-intérêts punitifs et exemplaires.

 

Un million de dollars payables à la CSF TNO

Lors de son argumentation, Me Lepage a articulé les raisons qui poussent ses clients à demander 500 000 $ de dommages-intérêts pour chacun des litiges. « C’est vrai qu’il n’y avait pas d’échéancier et nous avons accepté cela, car la communauté francophone a mis sa foi dans l’ordonnance de février 2006 », de relater le juriste pour appuyer l’idée que le gouvernement n’a jamais eu l’intention de construire la phase II de l’ÉASC, malgré ce qu’il laissait croire à la communauté. Il a aussi dénoncé la mauvaise foi du gouvernement en soulevant que ce dernier revendiquait un manque d’espace criant au sein de l’école Allain St-Cyr lors de ses correspondances avec le gouvernement fédéral pour obtenir un appui financier, mais niait catégoriquement cette situation quand il se trouvait devant la Cour suprême des TNO. L’avocat fransaskois a rappelé également à la juge que suite à son ordonnance de juillet 2008 dans le dossier CSF TNO, alors que le secondaire de l’école Boréale n’avait pas d’espace où aller pour la rentrée, le gouvernement avait refusé catégoriquement de faire de la place dans l’école Diamond Jenness en déplaçant les élèves de 8e année dans l’école intermédiaire Princess Alexandra, invoquant un traumatisme pour ces jeunes de retourner dans leur école alors qu’ils se voyaient déjà avec les plus grands. Pourtant, l’avocat a mentionné qu’en 2010, dû aux travaux de rénovation dans l’école secondaire de Hay River, c’est cette situation qui s’est imposée pour plusieurs élèves anglophones. Me Lepage a fustigé cette pratique déclarant qu’il y a des choses qui fonctionnent pour les besoins de la majorité, et non pour les besoins de la minorité.

 

Directive ministérielle

Dans le projet d’ordonnance de l’école Boréale, il est demandé à la juge qu’elle déclare la directive ministérielle de 2008, qui retire la gestion des admissions à la Commission, comme incompatible avec l’article 23 de la Charte des droits et libertés du Canada. L’avocat de la CSF TNO revendique que l’article 23 doit tenir compte de la disparité de la communauté linguistique minoritaire, en d’autres termes utiliser les trois points de l’article qui définissent un ayant droit (le français est sa première langue apprise et encore comprise; a eu une éducation primaire en français au Canada; les frères et sœurs d’un enfant ont reçu une éducation primaire en français) comme « le plancher » de la loi et non son « plafond », comme le suggère le gouvernement des TNO. Ainsi, en ajoutant à ce plancher trois autres politiques d’intégration (ancêtres francophones, immigrants, anglophones impliqués), cette loi appliquée de façon large permettrait aux écoles ténoises de la minorité officielle d’ériger des obstacles face à la régression démographique et à l’assimilation, et encouragerait l’épanouissement de ces enfants qui ont été isolés de l’éducation en français.

La défense, pour sa part, a argumenté au sujet de cette directive ministérielle en s’appuyant sur la jurisprudence qui reconnaît le droit aux gouvernements provinciaux de restreindre l’accès des non-ayants droit aux écoles de la minorité. Me Baril, l’un des deux avocats qui ont plaidé pour le GTNO, a indiqué que le droit de gestion des commissions scolaires de la minorité linguistique au pays ne comprenait pas le droit d’admettre des enfants de parents non ayants droit dans leurs écoles, mais que l’article 23 donnait un accès uniquement aux ayants droit. Il reviendrait donc aux gouvernements de décider s’ils donnent l’accès aux trois autres catégories dites « réparatrices ». C’était donc, selon le juriste, un choix du gouvernement de reléguer ce droit de gestion aux commissions scolaires. Me Baril a détaillé qu’avec la directive de 2008, le GTNO se prévalait de son droit de ne pas accorder cette douceur à la CSF TNO.

L’autre avocat des TNO, Me Faille a maintes fois répété lors de sa plaidoirie que la preuve présentée par les demandeurs n’a pas réussi à justifier l’intervention du tribunal dans ces dossiers. Il a exposé que la preuve n’avait pas démontré que les infrastructures étaient nettement inadéquates, mais plutôt qu’elles répondaient totalement aux besoins du nombre d’ayants droit inscrits et potentiels de chaque communauté francophone.

Dans l’éventualité que la juge ordonne les mesures demandées par la CSF TNO, Me Faille a réclamé à la juge d’accorder au GTNO la plus vaste marge de manœuvre quant à la mise en œuvre de son ordonnance.

Avant de lever la dernière audience d’un procès qui aura duré plus de huit semaines, la juge Charbonneau a mentionné qu’il ne fallait pas s’attendre à un jugement rapide. En entrevue, Me Lepage a expliqué que la juge devait reprendre son emploi du temps chargé en plus de devoir rendre ses deux décisions. « Elle a voulu mentionner à la communauté qu’elle prendrait le temps qu’il lui faut pour donner sa décision sur ces litiges qui soulèvent des questions complexes. »