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le Vendredi 13 février 1998 0:00 | mis à jour le 20 mars 2025 10:35 Environnement

Une plaque tournante de la recherche en sciences humaines au Nord Le Groupe d’étude inuit et circumpolaire

Une plaque tournante de la recherche en sciences humaines au Nord Le Groupe d’étude inuit et circumpolaire
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À tous les ans, bons nombres de chercheurs montent au Nord pour ramasser les données nécessaires à leurs travaux scientifiques. Plusieurs d’entre eux sont francophones et publient le résultat de leurs recherches en français. C’est le cas de la plupart de la trentaine de chercheurs en sciences humaines qu’on retrouve au sein du Groupe d’étude inuit et circumpolaire (GETIC) de l’Université Laval. L’Aquilon a rencontré le directeur de ce centre de recherche, M. Gérard Duhaime, aux bureaux du GETIC à Québec.

C’est René Lévesque, alors ministre des richesses naturelles du Québec dans le gouvernement Lesage, qui a donné une impulsion à la recherche nordique au Québec en débloquant les fonds nécessaires pour la mise sur pieds du Centre d’études nordiques en 1961. Le géographe Louis-Edmond Hamelin qui en fut le fondateur réclamait sans succès ce financement du gouvernement de Maurice Duplessis depuis plusieurs années.

Ce centre de recherche de l’Université Laval regroupait toutes les disciplines jusqu’à ce que les agences gouvernementales bailleurs de fonds décident de faire de l’ordre dans les centres de recherche au Canada. Au cours des années 70, le Centre d’étude nordique délaissa le champ des sciences humaines pour se spécialiser du côté des travaux de sciences naturelles. Les chercheurs en sciences sociales se retrouvèrent à nouveau isolés.

Ce n’est qu’en 1987 que le Groupe d’étude inuit et circumpolaire verra le jour dans le but de regrouper des chercheurs en sciences sociales impliqués dans les régions nordiques. La même année sera fondée l’Association Inuksiutiit katimajiit qui publie la revue Études inuit.

« On ne fait plus de recherches sur le modèle colonial, » nous explique Gérard Duhaime, « il y a des procédures importantes qui sont devenus nécessaires. On informe les gens des localités où on veut aller, on leur demande leur consentement puis on retourne dans les communautés pour expliquer nos résultats. On dit ce qu’on fait, on ne fait pas de cachettes! »

Sans faire trop de bruit, la recherche modifie peu à peu le mode de vie nordique. Les rapports de recherche se retrouvant souvent sur les bureaux des décideurs. « Nos chiffres sont utilisés, poursuit Duhaime, ça a de l’impact. »

C’est à partir du virage politique de la Russie avec la Pérestroïka de Gorbatchev que la recherche sur le circumpolaire a explosé. Du jour au lendemain, les chercheurs nordiques du monde entier eurent accès aux régions arctiques de la Russie qui regroupent 120 ethnies différentes. « On était sollicité par les Russes eux-mêmes! » En 1988, le GETIC organisa à Québec une première rencontre avec une délégation de chercheurs russes. L’expérience de coopération fut reprise en 1990 lors d’un colloque tenu en Sibérie, puis relancé en 1995 où cette fois tous les pays du monde furent invités.

« Le français, c’est probablement la troisième langue parlée en Russie. On l’enseigne partout comme langue seconde depuis l’époque de Catherine de Russie. Beaucoup de chercheurs russes de Sibérie parlent le français! » explique Gérard Duhaime.

Si on lit les publications francophones en Russie, il n’en va pas de même au Canada anglais ou aux États-Unis. « Il y a toujours eu une barrière étanche dans la recherche entre le français et l’anglais. » raconte le directeur du GETIC,  » Ici, nous lisons les résultats de recherche en anglais mais ce n’est pas réciproque. Probablement parce que la recherche anglophone produit une masse de travaux suffisante pour se suffire à elle-même, ce qui n’est pas vrai en français. Si les anthropologues semblent plutôt à l’aise avec une tradition de recherche française, en sociologie, c’est différent. Il n’y a pratiquement rien qui se publie en français sur le Nord. »

Pour Gérard Duhaime, il n’y a pas vraiment de différentes perspectives entre les chercheurs francophones ou anglophones sur le Nord. Ce n’est pas là que se situe le débat des études nordiques tant dans les couloirs du GÉTIC à l’Université Laval que dans les colloques internationaux.

« Le problème ne se trouve pas entre français ou anglais, poursuit Duhaime, il est dans la manière d’aborder les questions autochtones! C’est comme si beaucoup de chercheurs perdent tout esprit critique à cause d’une espèce de compassion mal placée envers les autochtones. Comme si le passé, la tradition était sacré. Il y a là comme une culpabilité qui cause un grave problème aux chercheurs. Dans les colloques scientifiques, les discussions de fond portent sur ces questions là. »

On retrouve le GÉTIC sur la toile de l’inforoute électronique. On peut consulter le site pour prendre connaissance de la liste de ses membres, des recherches encours ou encore pour commander une de ses nombreuses publications à l’adresse:

http://www.fss.ulaval.ca/getic/index.html