La semaine dernière, un comité de la Chambre des Communes sur les pêcheries et les océans est venu se rendre compte sur place de la situation de la pêche au turbot, dans une tournée de trois jours au Sud-Baffin. La députée de Nunatsiaq, Nancy-Karetak-Lindell, dirigeait cette délégation qui s’est arrêtée à Iqaluit, Pangnirtung et Broughton Island pour entendre différents intervenants intéressés à l’industrie de la pêche.
Seulement 24% des quotas de poissons de fond du détroit de Davis, qui sépare le Groenland de la Terre de Baffin, reviennent aux pêcheurs inuit. Ceux-ci le pêchent l’hiver à travers la glace en laissant descendre jusqu’au fond de la mer d’interminables lignes où s’enfilent leurs hameçons.
La balance des quotas est allouée à des entrepreneurs canadiens qui engagent souvent des chalutiers et des équipages étrangers pour venir ratisser le fond de la mer au nez des populations riveraines, qui sont souvent aux prises avec d’insolubles problèmes de chômage.
Ainsi des navires battant pavillon japonais, danois ou russe viennent remplir leurs cales dans le détroit de Davis. De plus, les méthodes et les équipements utilisés causeraient des torts irréparables à l’environnement. C’est du moins le sombre constat que fait George Baker, le président de ce comité et député d’une circonscription de Terre-Neuve aux Communes.
On se souviendra que le Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut (Nunavut Wildlife Management Board), organisme créé par l’Accord du Nunavut pour protéger ses ressources renouvelables, avait tiré la sonnette d’alarme sur la pêche au turbot dans le Détroit de Davis. Il avait pris action devant les tribunaux contre le gouvernement fédéral pour contester la décision du Ministère des Pêches et Océans de réduire les quotas de turbot alloués aux Inuit de Baffin tout en augmentant ceux des pêcheurs terre-neuviens. Aucun jugement n’a encore été rendu dans cette affaire.
Dans une entrevue accordée à Radio-Canada Nord lors de son passage à Iqaluit le 1er mai dernier, M. Baker a laissé entendre que le gouvernement canadien s’apprêtait à ouvrir les pêcheries dans les mers arctiques et qu’une entente conclue depuis plusieurs années allouait 30% des nouveaux quotas à la France. La Comité a entre autre découvert dans ses recherches qu’un médecin de la Floride possédait deux licences de pêche à la crevette dans le Détroit de Davis.
Selon le député terre-neuvien, les populations riveraines devraient avoir priorité sur les ressources adjacentes à leur territoire. « Le temps devrait être révolu où de gigantesques chalutiers appartenant à des nations étrangères peuvent venir détruire nos pêcheries comme ils l’ont fait à Terre-Neuve! » a affirmé M. Baker.
M.Baker s’est dit persuadé que le comité qu’il préside recommandera au Parlement du Canada de confier l’exploitation du turbot aux Inuit de Baffin « qui produisent le meilleur turbot au monde, pêché à la ligne et préparé à l’usine de Pangnirtung. »