Aaju Peter d’Iqaluit est une femme pleine d’énergie et de projets. Musicienne, auteur-compositeur, douée pour le dessin, mère de famille, étudiante au Collège arctique du Nunavut, couturière émérite… il n’y a pas grand chose qu’elle ne fait pas! Même du karaté dans ses temps libres. Vous voyez de magnifiques chapeaux de fourrures sur la rue à Iqaluit ou encore de splendides mitaines en peaux de chien? C’est souvent le travail d’Aaju. Cette fois, avec quelques collègues du Collège, elle entreprend d’aller expliquer aux Européens l’importance de la chasse au phoque pour les Inuit. Le groupe se rendra à Copenhague, Amsterdam et Paris.
Aaju Peter est persuadée que les Inuit doivent faire entendre leurs voix pour contrer les campagnes internationales entreprises par les organismes qui cherchent à abolir la chasse au phoque. « Nous les Inuit devons aller raconter notre propre histoire. Nous n’avons pas besoin de Greenpeace pour nous dire quoi faire avec les phoques ou comment les tuer! Il faut faire connaître en des termes modérés l’usage que nous en faisons », a-t-elle déclaré en entrevue à Radio-Canada à Iqaluit.
Questionnée par l’Aquilon sur la chasse au phoque commerciale pratiquée principalement par les pêcheurs terre-neuviens, Madame Peter a ajouté qu’elle ne voyait là aucun problème en autant que les mammifères marins soient abattus adéquatement puisque leur surabondance n’aide certainement pas au problème de la disparition du poisson dans les régions côtières de l’Atlantique.
Tout le monde se rappelle les spectaculaires campagnes contre la chasse au blanchon appuyées par la célèbre actrice Brigitte Bardot qui ont provoqué l’adoption d’un embargo sur les produits du phoque en Europe et aux États-Unis en 1983. Les conséquences pour les communautés du Nunavut furent dévastatrices. Bon an mal an, la Compagnie de la Baie d’Hudson achetait plus de 25 000 peaux aux chasseurs inuit jusqu’à l’année fatidique de 1983. En 1984, ils n’achetèrent que 4,492 peaux. Par exemple, à Pangnirtung, le revenu moyen des chasseurs s’écroula de $1100 à $200 par année. Les taux d’assistance sociale dans les communautés triplèrent de même que la déviance sociale et les suicides.
L’autre conséquence catastrophique pour le Canada fut la prolifération incontrôlée des troupeaux de phoques. Selon Pêches et Océans Canada les populations de phoques du Groënland (phoques à anneaux) auraient doublé depuis 1983 pour dépasser les 5 millions de têtes. Cette espèce particulière est accusée de bouffer plus de 150 000 tonnes de poissons de fond par année!
Le cas des Inuit se retrouve donc noyé dans l’opinion publique, comme à la remorque de ces grands débats internationaux. Ceux-ci doivent donc se démarquer en montrant qu’ils pratiquent une chasse de subsistance, élément central de leur mode de vie traditionnel.
Sur la question de la chasse annuelle d’une baleine franche à Pangnirtung, aussi contestée par les organisations de défense des animaux, Aaju Peter croit que les Inuit ne devraient pas s’impliquer dans une telle aventure s’il s’avère que le nombre réel de ces grands cétacés dans l’Arctique ne le permet pas. Dans le cas où la chasse se déroulerait comme prévue, elle souligne toutefois que les lois traditionnelles de la chasse à la baleine devraient être respectés par l’équipe de chasseurs.
« C’est très important de se distinguer de la chasse industrielle et d’expliquer que nous pratiquons une chasse de subsistance essentielle à la survie de nos communautés. C’est notre façon de vivre que nous voulons transmettre aux générations à venir », a-t-elle précisé.
L’équipe a quitté Iqaluit le 11 mai dernier et sera de retour à la fin du mois après avoir séjourné à Paris les 5 derniers jours de leur périple. Les 4 étudiants ont bien l’intention d’établir le plus de contacts possibles en Europe.