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le Vendredi 30 mai 2003 0:00 Environnement

Décontamination de la mine Giant Dernier tour de piste

Décontamination de la mine Giant Dernier tour de piste
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Alors que les 237 000 tonnes de trioxyde d’arsenic reposent toujours sous le terrain de la mine d’or Giant, le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada a poursuivi sa série d’ateliers de discussion sur la meilleure façon de gérer les résidus toxiques de plus de cinq décennie d’exploitation minière. Le Comité indépendant d’évaluation par les pairs (CIEP), le groupe SRK Consulting Inc et des représentants du ministère ont rencontré le public et les groupes d’intérêts les 25 et 26 mai derniers, à Yellowknife. Cette rencontre a permis à la population de prendre connaissance du rapport du CIEP, publié en janvier dernier, concernant les options retenues par le groupe SRK Consulting il y a quelques mois. Ces deux options de nettoyage ont été à nouveau présentées au public, qui en a profité pour questionner les experts sur les risques reliés à la décontamination du site.

Bien que connue du public, les deux options choisies, in situ et ex situ, ne sont pas encore complètement démystifiées. Les avis sont partagés sur la meilleure façon de traiter l’arsenic de la mine, fermée depuis 1999. Des citoyens aimeraient que l’arsenic soit complètement éliminé du sol et renvoyé là d’où il vient. « Il faut modifier les perceptions des citoyens qui croient que l’arsenic a été emmené du Sud au Nord, alors que celui-ci est présent en très fortes quantités au Nord », a tenu à préciser le ministère lors d’une conférence technique le 23 mai dernier.

Le Comité indépendant d’évaluation par les pairs (CIEP), bien que satisfait du travail réalisé par SRK Consulting, a émis quelques recommandations à la suite de la lecture du rapport que les consultants ont produit sur la gestion du site, après trois années de recherches. Le groupe de neuf experts spécialisés, entre autres, en génie civil, en santé publique et en hydrogéologie, estime que les risques doivent être étudiés plus à fond. L’évaluation «modérée» des risques reliés à la santé des travailleurs, qui pourraient extraire l’arsenic du sol si l’option ex situ est retenue, devrait être réévaluée, selon le CIEP. Le groupe suggère également au ministère de trouver une solution qui ne requiert pas de traitement interminable. « Nous recommandons la poursuite de la recherche afin d’atteindre des conditions environne-mentales qui n’exigeront pas une gestion du site à long terme », indique le document publié par CIEP.

Selon les options retenues, pas question de transporter les tonnes d’arsenic à l’extérieur du territoire. La manipulation de cette substance hautement toxique a fortement déterminé le choix des deux options, retenues parmi un total de 56 solutions. « Nous voulions réduire la quantité d’options à un niveau qui permettait au public de prendre une décision adéquate, explique Michel Noël, un conseiller technique de SRK Consulting. Nous ne sommes pas magiciens, nous ne pouvons pas faire disparaître le problème. Il faut trouver la meilleure solution possible avec les conditions que l’on retrouve sur le site. Il faut convaincre le public et lui démontrer que les solutions qu’on lui propose sont sécuritaires. »

À première vue, l’option in situ semble être la plus simple, la moins dispendieuse et la plus sécuritaire. C’est d’ailleurs cette option qui a reçu l’appui de quatre députés de la région de Yellowknife, Sandy Lee, Brendan Bell, Charles Dent et Bill Braden. Les dix chambres et les cinq chantiers d’extraction, qui contiennent l’arsenic et qui sont enfouis entre 80 et 250 pieds, seraient gelés en permanence grâce à un système de thermosiphons composé de long tubes qui achemineraient de l’air froid sous terre. « Le gel a la propriété de transformer l’eau en glace et d’emprisonner l’arsenic à l’intérieur de la glace, explique le professeur de génie civil de l’Université Laval et membre du CIEP, Jean-Marie Konrad. Tant que vous allez maintenir le sol gelé, l’arsenic emprisonné ne pourra pas migrer à travers la glace. Il suffit de faire une masse de sol gelé assez importante. Il faut amener beaucoup de glace dans le sol et créer une masse thermique pour éliminer le risque. »

Ce procédé n’est pas innovateur. L’industrie minière et le secteur du génie civil l’utilisent déjà pour éviter les fuites d’eau lors d’une excavation. Selon le professeur Konrad, cette technologie est idéale pour un milieu comme Yellowknife, balayé par des froids arctiques plusieurs mois par année. « En ayant les thermosiphons, nous serons en mesure d’utiliser le froid durant l’hiver pour préserver la masse gelée. Je pense que geler le sol et le maintenir gelé est une bonne solution à long terme, mais il faut garder un oeil sur ce qui se passe. On peut mesurer la température à distance, ça peut être affiché sur un site Internet auquel aura accès le citoyen. On peut mettre sur pied un système d’alerte basé sur la température. Si la zone commence à se réchauffer, on peut simplement activer les thermosiphons », a-t-il indiqué. L’estimation du coût des travaux et du travail de maintenance et de surveillance s’élève à 55 millions de dollars.

L’autre option, ex situ, propose de retirer du sol les tonnes d’arsenic et de les stabiliser dans du ciment ou du bitume. La façon d’extraire cet arsenic pourrait être l’extraction avec un trou de forage, l’extraction mécanique souterraine ou l’extraction à ciel ouvert. Le professeur Konrad envisage difficilement l’une ou l’autre de ces techniques. « On se demande comment on pourra extraire la poussière d’arsenic des recoins des chantiers d’extraction et comment on pourra le faire de façon sécuritaire, explique-t-il. Il faudrait faire une sur-excavation, soit faire un trou béant pour sortir l’arsenic de la terre. » L’estimation du coût de cette solution est de l’ordre de 230 millions de dollars.

Le ministère des Affaires indiennes et du Nord Canada veut sélectionner la meilleure option au cours de l’automne prochain. Une description détaillée du processus devrait être terminée à la fin de l’automne 2004. Le début des travaux devrait se faire au cours de l’année 2006-2007.