Les plus récentes données scientifiques sur l’état des glaces polaires n’ont rien de rassurant. Jamais l’océan Arctique n’a fondu autant que durant l’été 2005.
La semaine dernière, le National Snow and Ice Data Center (NSIDC) a publié les résultats d’une étude sur la fonte du couvert glacier arctique au courant de l’été qui vient de s’achever. Selon cet organisme américain, en 2005, les glaces polaires ont établi un record de fonte sans précédent connu.
À l’apogée de la saison de fonte, les glaces océanes couvraient une surface de 5,32 millions de mètres carrés. « À la lumière de ces données, nous pouvons affirmer que 2005 surpassera 2002 comme l’année où le couvert glacier aura été le plus petit depuis au moins un siècle », affirme Juliette Stroeve du NSIDC. La scientifique ajoute que si le déclin des glaces polaires se poursuit au rythme actuel, l’océan Arctique pourrait entièrement se libérer de ces glaces « bien avant » la fin de ce siècle.
Depuis la fin des années soixante-dix, on observe une réduction du couvert glacier arctique d’environ 6,5 % tous les dix ans. Depuis 2002, cette tendance s’est nettement accélérée. On l’estime aujourd’hui à 7,3 %, peut être 8.
Le NSIDC affirme que le couvert glacier s’est rétréci de 1,3 millions de mètres carrés, par rapport à sa taille de 1978. Il s’agit d’une superficie grosso modo équivalente à la moitié du Grand lac des Esclaves.
En outre, pour la première fois de mémoire d’homme, le mythique Passage du Nord-Ouest s’est presque entièrement libéré de ses glaces cet été. À la fin de l’été, tout le Passage était ouvert, hormis une section d’une centaine de kilomètres qui était couverte d’une fine couche de glace facile à percer. Du 15 août au 28 septembre, il était possible de se rendre de l’Europe à l’Asie en navigant vers l’ouest, dans les eaux canadiennes.
Une situation similaire a aussi été observée de l’autre côté du cercle polaire. Le directeur du NSIDC, Roger Barry, a passé une partie de l’été à bord d’un brise-glace dans la mer de Laptev, en Russie. Durant toute la durée de l’expédition, il n’a observé qu’une seule zone de glace continue. L’an dernier, au même endroit et à la même période de l’année, il avait noté presque partout la présence d’une épaisse couche de glace ancienne.
Notons enfin que l’été 2005 était le quatrième de suite à présenter un couvert glacier arctique anormalement petit. Selon Walt Meier, du NSIDC également, ce détail est très important. « Cela indique clairement qu’il s’agit d’une tendance à la baisse soutenue et non pas d’une anecdote climatique de courte durée », écrit-il.
L’hiver aussi
Non seulement la glace a-t-elle fondu plus cet été, mais elle a également gelé moins l’hiver dernier. Des images satellitaires ont démontré que moins de glace s’est reformée au courant de l’hiver 2004-2005 que lors des années précédentes.
Pour ajouter à la lourde tendance, signalons que la glace a aussi commencé à fondre plus tôt qu’à l’accoutumé ce printemps. Dans tout l’Arctique, la saison de fonte a débuté en moyenne 17 jours avant la date habituelle.
Cercle polaire vicieux
Selon une hypothèse qui doit encore être vérifiée, il se pourrait que cette fonte accélérée du couvert glacier soit, en partie, le résultat d’un effet de cercle vicieux.
En effet, contrairement à la glace blanche qui la réfléchit, l’eau foncée absorbe la chaleur. Donc, moins il y a de glace, plus l’eau est chaude, plus la glace fond et ainsi de suite.
Si cette théorie – très plausible du reste – s’avérait fondée, il faudrait alors revoir les modèles qui servent à prévoir les changements climatiques dans l’Arctique. Et tout porte à croire que cela rendrait les prévisions encore plus pessimistes qu’elles ne le sont
« Nos projections actuelles supposent un déclin linéaire de la glace, explique le scientifique Ted Scambos quia a aussi participé à l’étude du NSIDC. Or, une diminution de la réflexion de la chaleur suggère que la régression glaciaire ne restera pas nécessairement constante et qu’elle pourrait s’amplifier. »