Elle ressemblait beaucoup à une cabbale électorale, cette « soirée d’informations » organisée par la Société pour la Nature et les parcs du Canada (SNAP) mardi dernier au Northern United Place de Yellowknife.
Il s’agissait du premier arrêt d’une tournée nationale de la SNAP qui vise à informer, et surtout à convaincre, les Canadiens de l’importance de faire élargir le parc Nahanni, situé dans la région du Deh Cho. L’objectif est de faire protéger l’ensemble du bassin versant de la Nahanni. Pour l’instant, seules les rives de la rivière principale sont protégées. Ce projet ferait augmenter de sept fois la taille du parc national.
Dans le contexte d’une élection fédérale anticipée, le lobby environnementaliste a clairement indiqué qu’il comptait obtenir des engagements favorables à l’élargissement du parc de la part des partis politiques avant le jour du scrutin.
« Vous devez dire à vos députés et aux candidats de votre circonscription que le bassin versant de la Nahanni doit être protégé en entier », tonnait l’orateur vedette de la soirée, le grand chef des Premières nations du Deh Cho, Herb Norweigian.
« Ce n’est pas seulement un enjeu pour les Territoires du Nord-Ouest, a-t-il ajouté. C’est un enjeu canadien. » En clôture, le conservationniste principal de la SNAP, Harvey Locke, a tenu des propos similaires.
Le grand chef Norweigian a également indiqué qu’il comptait faire inclure la protection de l’ensemble du bassin versant dans le processus Deh Cho, les négociations sur les revendications territoriales de la nation. « Le grand parc serait énoncé dans l’entente finale », a-t-il dit.
Tout au long de la conférence, on a beaucoup misé sur l’émotion pour convaincre le public. De nombreuses photos de l’aire que l’on souhaite protéger ont été montrées. Les clichés pris à l’extérieur du parc actuel n’étaient pas moins spectaculaires que les images classiques du parc et de ses canyons.
« Il ne reste que très peu d’endroits dans le monde qui présente un niveau aussi élevé de préservation », martelaient tour à tour les conférenciers qui n’ont pas manqué de souligner que le parc Nahanni est un site patrimonial mondial désigné par l’UNESCO.
Selon Norweigian, l’eau est la principale richesse identifiée par son peuple. Or, a-t-il dit, ces dernières années, de l’essence « et une sorte de mousse qu’on avait jamais vu auparavant » ont été observées dans la rivière Nahanni. Le grand chef estime que cela devait provenir des affluents non protégés de la rivière. En faisant cette affirmation il attaquait directement les promoteurs d’une mine de zinc est projetée dans la zone que souhaite protéger la SNAP. Pour ajouter au caractère dramatique de la situation, on a distribué des photos vieilles d’une trentaine d’années montrant l’ex-premier ministre Pierre Elliott Trudeau s’abreuvant aux pieds des fameuses chutes Virginia.
Le grand chef Norweigian a aussi expliqué que, dans la mythologie dénée, la zone abrite « la maison de Yamoria », le géant créateur du monde. Ce site serait donc hautement sacré pour tous les Dénés.
Faune
Sur une note plus terre à terre, le biologiste John Weaver a présenté les résultats d’une recherche longue de quatre ans sur les grands mammifères du bassin versant de la Nahanni.
Le biologiste a étudié la distribution et les déplacements de trois espèces : le grizzly, le caribou des bois et le mouflon.
Pour les grizzlys, l’étude démontre que c’est en périphérie du bassin que l’on retrouve le plus grand nombre d’ours – donc à l’extérieur de la zone déjà protégée. Les grizzlys de la Nahanni auraient, en outre, des territoires respectifs variant de 1000 kilomètres carrés pour les mâles à 500 km2 pour les femelles. Cela signifie qu’un ours dont le territoire se trouve dans la zone protégée se déplacera forcément en dehors du parc, au moins une fois par année.
Le biologiste a également affirmé qu’anciennement on retrouvait l’énorme nounours brun jusqu’au Mexique, alors qu’aujourd’hui son aire de distribution s’arrête au Wyoming. C’est la sédentarisation et l’urbanisation de ces régions qui ont décimé l’espèce, très vulnérable à la fragmentation de son habitat.
« Le parc Nahanni, conclu le chercheur, est bien trop étroit pour soutenir de façon durable la population de grizzlys. »
Quant aux caribous, deux hordes ont été recensées dans le parc. Dans les deux cas, il a été démontré que leur aire de migration annuelle allait bien au-delà des limites actuelles de l’aire protégée.
Pour ce qui est des mouflons, enfin, le biologiste affirme que c’est principalement dans la « plaine des karsts » de la Nahanni qu’on les retrouve. Cette plaine ne fait pas partie des actuelles frontières du parc et est un des sites dont la protection est jugée prioritaire par la SNAP. C’est dans cette zone que l’on retrouve la mine de Zinc projetée.
Le député du Deh Cho et ministre des Affaires communautaires et municipales, Micheal McLeod, s’était déplacé pour la présentation.
Questionné à savoir si la cabbale des environnementalistes avait réussi à le convaincre de l’urgence de protéger l’ensemble du bassin versant de la Nahanni, le ministre est resté prudent.
« J’ai toujours été convaincu de l’importance de protéger des parties du territoire », a affirmé le Déné de Fort Providence.
Il n’a cependant pas précisé s’il comptait s’opposer à l’ouverture de la mine de zinc.