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le Vendredi 31 mars 2006 0:00 | mis à jour le 20 mars 2025 10:36 Environnement

Pergélisol Changer nos habitudes de construction

Pergélisol Changer nos habitudes de construction
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S’adapter aux changements climatiques, ça veut aussi dire apprendre à construire autrement, estime l’ingénieur géologue du secteur des sciences de la Terre de Ressources naturelles Canada, Réjean couture.

Couture est le co-auteur d’une paire de rapports sur la fonte du pergélisol et son impact sur les infrastructures des communautés du Nord. À la fin des années 1990, il s’est rendu avec deux collègues chercheurs à Norman Wells et à Tuktoyaktuk pour constater de visu ce que la fonte du pergélisol signifie dans les communautés.

À Norman Wells les « utilidors », ces conduits d’eau aérien isolés qu’on retrouve dans les communautés où le sol est gelé en permanence, ont été endommagés par le déplacement de la couche supérieur de pergélisol.

À Tuktoyaktuk, l’effet combiné de la fonte du pergélisol et de l’érosion côtière a déstabilisé des bâtiments. Ces dernières années des résidences et une école primaire de la communauté du Delta du Mackenzie ont dû être abandonné en raison de l’affaissement de la côte.

Selon le chercheur avec l’accentuation du phénomène de la fonte du pergélisol, ce genre de phénomènes risque de devenir plus fréquent et pourrait causer des dommages à des infrastructures importantes, dont les voies de communication.

« Faites attention aux routes et aux pistes d’atterrissage, dit-il. Il faut faire plus d’opération de maintenance. »

D’après lui, plus les bâtiments sont gros, plus le risque que la fonte du pergélisol les affecte est important.

« Les bâtiments de petites tailles peuvent s’accommoder de certains mouvements du sol, ce n’est pas le cas pour les plus grosses constructions, les aéroports, entre autres. »

Vos fondations sont-elles superficielles?

Tout dépendamment du type de fondations de votre maison, vous êtes plus ou moins à risque de subir les contrecoups des changements climatiques.

Selon Réjean Couture, on retrouve deux grands types de fondations dans les résidences du Nord : des fondations dites « profondes » et des fondations dites « superficielles ». Ce sont les maisons dont les fondations sont superficielles qui sont à risque.

Les fondations superficielles sont le plus souvent composées d’un seul bloc de béton directement assis sur le sol. Les fondations profondes sont plantées dans le fonds rocheux.

Évidemment, si vous vous trouvez dans une municipalité où le fond rocheux est situé près de la surface, à Yellowknife par exemple, les chances que votre maison repose sur des fondations superficielles sont faibles. Mais à Tuktoyaktuk, où le sol est sablonneux et la roche profonde, vous avez toutes les chances du monde d’habiter une maison à fondations superficielles.

Ce n’est pas pour autant une raison de déménager. Il existe des trucs pour garder votre foyer d’équerre. « La base, c’est qu’il faut garder le sol autour de la maison gelé », explique l’ingénieur.

Pour y arriver, certaines mesures s’imposent. La façon dont vous déneigez votre entrée, entre autres, joue un rôle important. La neige étant un isolant, moins il y aura de neige sur votre terrain en hiver, plus le sol gèlera profondément.

Il faut aussi éviter les petites marres d’eau qui réchauffent le sol. « Il faut s’assurer qu’il y a toujours un bon drainage. Le terrain doit rester sec », indique Couture.

En été, on peut également disposer sur le terrain des plaques réfléchissantes spéciales pour bloquer le rayonnement solaire.

Enfin, une technique dite de « thermosiphon » permet d’installer un système de refroidissement du sol. Mais cette opération coûteuse est surtout réservée aux bâtiments plus importants.

Changements

Si les bâtiments de plus de cinq ans ont peu de chances d’avoir été conçus pour résister à la fonte du pergélisol, les constructions récentes le sont presque toutes, estime Réjean Couture.

Il cite en exemple le poste de police de la Gendarmerie royale du Canada à Tuktoyaktuk. Ce bâtiment est doté d’un type nouveau de fondations superficielles en forme de pyramide qui permet de mieux répartir le poids du bâtiment.

« Il y a des changements d’attitudes, constate-t-il. Il y a quatre ou cinq ans le terme « changement climatique » était pratiquement invisibles dans les forums de géotechniciens. Maintenant il y a des réunions entièrement dédiées à ça. »