Lorayne Menicoche Moses, une résidente de Fort Simpson, déplore que le fait de s’opposer au projet de gazoduc du Mackenzie soit devenu une sorte de tabou et que plusieurs personnes n’osent pas s’afficher contre le pipeline de peur de devoir subir le jugement des autres.
« Si vous écoutez les chefs et les leaders tout ce que vous entendez c’est ‘’oui, oui, oui !’’. Je pensais à ça l’autre soir et je me demandais pourquoi est-ce que c’est comme ça ? Pourquoi est-ce qu’on ne peut pas dire ‘’non’’? C’est comme si on commettait un péché grave en disant non », a-t-elle noté.
Elle estime pour sa part « qu’on a pas vraiment besoin du pipeline maintenant » et que « personnellement, j’aurais tendance à dire non ». Mais elle pense qu’en réalité l’Office national de l’énergie risque fort de donner son accord de toute façon. C’est pourquoi elle demande à l’Office de s’assurer que les activités liées au gazoduc seront scrutées à la loupe durant toute la vie du projet afin de minimiser les impacts négatifs sur la faune et sur le territoire.
Elle propose aussi qu’on étudie la possibilité de développer des sources d’énergie moins polluantes et plus durables comme le solaire et l’éolien.
Lost in translation
Ethel Lamothe, de Fort Simpson également, est mécontente du service d’interprétation simultané dont elle a bénéficiée lors des audiences de la Commission d’examen conjoint à laquelle elle a pris part en mai dernier.
Elle affirme que la traduction qui a été faite des propos qu’elle a tenus en esclave du sud ont été mal rapportés. « Quand j’ai lu la transcription de mes commentaires, ça n’allait pas du tout. Ça ne reflétait même pas l’essence de mon propos », a-t-elle témoigné en anglais pour être sûr d’être bien comprise cette fois-ci.
Elle a raconté avoir demandé aux responsables de la Commission une copie audio de sa présentation afin de pouvoir leur fournir une meilleure traduction. Mais on lui a répondu qu’il n’existait pas d’enregistrement et que c’était sa responsabilité de vérifier que ses propos avaient été bien rapportés.
« Mais alors, les gens qui ne lisent pas l’anglais, comment sont-ils supposés vérifier que leurs propos ont été correctement rapportés ? », a demandé Ethel Lamothe.
Elle a demandé aux membres de l’Office national de l’énergie d’user de vigilance quand viendra le temps de consulter le rapport de la Commission d’examen conjoint, un document, estime-t-elle, « dont l’exactitude risque de laisser à désirer ».
Lamothe s’est dite « favorable au développement, pour autant qu’il survienne selon les termes des Dénés ». Mais pour ce qui est du gazoduc, « jusqu’à présent je n’ai pas l’impression que l’on tient vraiment compte de nos intérêts. »
Offrir le choix
Le président de la Société foncière de Déline (Deline Land Corp.), Leroy André, a déploré que le projet de gazoduc incite les Dénés à mettre tous leurs œufs dans le même panier.
Celui qui semblait généralement favorable au gazoduc a indiqué qu’il est impératif qu’on s’assure que les jeunes ont accès à de la formation pour ainsi pouvoir bénéficier des occasions d’emplois générées par le pipeline. Mais il craint que cela ne force les jeunes à se diriger vers un genre de carrière qui ne peut pas plaire à tout le monde. Il a parlé de son fils qui souhaite devenir chasseur-piégeur professionnel. « Il adore le bois, le territoire et les animaux», a-t-il dit. Or il n’existe aucun programme pour le supporter, alors qu’il aurait accès à une pléthore de ressources s’il décidait plutôt de suivre un cours de soudure ou de conducteur de machinerie lourde.
« C’est comme si, en fonction des initiatives gouvernementales, on nous obligeait à choisir l’économie salariée. C’est troublant parce qu’il y a des jeunes comme mon fils qui préféreraient trapper et vivre de ça. »
Jim Antoine
L’ancien premier ministre des TNO Jim Antoine, récemment embauché par les communautés de Fort Simpson et de Fort Liard pour négocier leur adhésion au Aboriginal Pipeline Group, a indiqué qu’il serait plus bénéfique pour le Nord que les promoteurs favorisent l’achat local.
« Si ce gazoduc est construit, alors on devra s’efforcer de s’assurer que chaque dollar dépensé dans la construction reste dans le Nord. Je le mentionne parce je vois bien qu’il y a plusieurs compagnies qui sont en mesure d’effectuer les travaux nécessaires qui ne sont pas situées dans le Nord. […] Quand cela est possible on devrait prioriser les compagnies du Nord. On essaie de bâtir un pays, ici. On veut que les Territoires du Nord-Ouest aient leur place dans le Canada. Et la façon d’atteindre cet objectif c’est de bâtir une économie solide. Ce n’est pas en envoyant toutes les ressources dans le Sud qu’on y arrivera », a-t-il dit.
