Après les Premières nations du Deh cho et les Dénés tha du nord-ouest albertain, voilà qu’un autre groupe autochtone, yukonnais celui-là, réclame qu’on le consulte avant la mise en chantier du gazoduc du Mackenzie.
Les premières nations Na Cho Nyak Dun affirment qu’une partie de leur territoire ancestral se trouve dans le corridor du pipeline, du côté des Territoires du Nord-Ouest. Selon le chef des Na Cho Nyak Dun, Simon Mervyn, qui a fait une présentation aux audiences de la Commission d’examen conjoint, ce morceau de terre est partagé avec les Gwich’in des TNO et doit faire l’objet d’une modification à l’entente de revendications territoriales que son peuple a conclu avec le gouvernement fédéral en 1995.
« Il nous reste à conclure une composante importante de notre Traité [de revendications territoriales] : notre revendication trans-frontalière avec les Territoires du Nord-Ouest. Nous estimons que cela devra être résolu avant que le pipeline soit construit », a indiqué le chef.
À ce stade-ci, le processus de négociations pour le règlement de cette revendication territoriale n’est pas du tout entamé. Le gouvernement fédéral n’a pas même nommé de négociateur pour engager le dialogue. Les Gwich’in qui reconnaissent le caractère commun de l’utilisation de ces terres doivent aussi prendre part au processus.
« Nous ne sommes pas contre le développement, a poursuivi le chef Mervyn. Nous pensons que le développement peut se produire pour autant qu’on respecte certains principes. D’abord le développement doit être durable et il doit y avoir des bénéfices directs pour les personnes qui sont affectées par ces activités. Un plan de gestion des terre devrait être élaboré afin de guider le développement. Nous devons être consultés pour tout développement qui risque d’affecter notre territoire et nos droits. Enfin, nous devons avoir la possibilité de prendre part et de tirer des bénéfices des activités de développement qui nous affectent. »
Le conseiller technique des Na Cho Nyak Dun, Albert Peters, a ajouté que le projet aura des conséquences directes sur les premières nations du nord-est du Yukon puisque la route Dempster qui relie Dawson City et Inuvik sera emprunté pour le transport d’équipements et de déchets de forage. Cela a été confirmé par les promoteurs.
Peters ajoute que la construction du gazoduc incitera le développement de nouveaux champs gaziers situés dans le territoire Na Cho Nyak Dun. « Nous pensons que la Commission d’examen conjoint devrait tenir compte des impacts trans-frontaliers de cette construction de même que les effets cumulés que [le projet] pourrait avoir au delà du corridor du pipeline », a insisté Albert Peters.
Des écolos fâchés
Pour la première fois depuis le début des audiences, un groupe écologiste a signifié son opposition pure et nette au projet.
« La Yukon Conservation Society presse la commission de recommander l’abandon de ce projet », a tonné le coordonnateur des politiques énergétiques de l’organisation, Lewis Rifkind. La Yukon Conservation Society estime que les bénéfices monétaires ne compenseront jamais le déficit écologique que causera, d’après cette organisation, le Projet gazier du Mackenzie.
« Nous savons tous que ces projets éphémères auront un immense impact sur l’environnement et que ce sera négatif. Nous pensons que les écosystèmes intacts sont d’une grande valeur et nous sommes également préoccupés par l’important transfert de richesses qui s’opère du Nord vers le Sud. Nous l’avons vu avec l’industrie minière et nous commençons à le voir avec l’industrie pétrolière et gazière. Nous donnons carrément ces ressources et en échange nous détruisons nos écosystèmes », a déclaré Rifkind. Selon lui, les dégâts causés par l’industrie gazière empêchent le nord de développer des industries plus durables comme l’écotourisme et la foresterie.
L’organisation est aussi préoccupée par la contribution du projet aux émissions de gaz à effet de serre et aux changements climatiques. La nature même du projet assure que le gazoduc augmentera les émissions de gaz à effet de serre, pense Rifkind. « On peut argumenter que le gaz naturel n’est pas aussi polluant que d’autres formes d’énergie fossile comme le pétrole ou le charbon. Mais soyons clairs : l’objectif n’est pas d’utiliser le gaz pour remplacer ces énergies fossiles, mais bien d’ajouter le gaz aux énergies déjà disponibles. »
Il trouve « ironique » que le Nord qui subit les effets les plus sévères des changements climatiques s’engage dans le développement de l’industrie qui est la première responsable de ces changements. « C’est plus qu’ironique ; c’est un suicide environnemental », a-t-il imagé.
Quant au débat à savoir si le gazoduc de l’Alaska qui doit traverser le Yukon est mieux ou pire que le gazoduc du Mackenzie, la Yukon Conservation Society est lapidaire : « Nous considérons que ces deux projets comme des désastres environnementaux ».
Emplois
Autant les représentants du gouvernement du Yukon que ceux de la Chambre de commerce du Yukon et du Syndicat des menuisiers ont fait savoir leurs craintes quant aux occasions d’emplois générées par le projet.
Ces trois groupes estiment que les travailleurs yukonnais devraient être embauchés en priorité pour les travaux de construction, devant d’autres travailleurs de qualification similaire provenant des provinces du Sud.
Le représentant des promoteurs, Randy Ottenbreit, a indiqué que l’intention du consortium était précisément de prioriser les candidatures des Territoires du Nord-Ouest, puis celles provenant des deux autres territoires et enfin de recruter au sud du soixantième parallèle. D’après Ottenbreit le Projet gazier du Mackenzie créera plus d’emplois que ce que la population des trois territoires réunis peuvent fournir.
